mercredi 20 mai 2015

Votez pour votre loup préféré!


En déjà 2 mois de publication d'un  blog sur la forêt et la littérature de jeunesse, pas un seul article sur le loup! Pourquoi donc?
Tout simplement parce que la figure du loup est si diverse et a été tant de fois traitée que je me demandais vraiment comment l'aborder.

Et si vous donniez votre avis?

VOTEZ POUR VOTRE CANDIDAT PRÉFÉRÉ, CELUI QUI REPRÉSENTE LE MIEUX L'IMAGE QUI SE RATTACHE AU LOUP POUR VOUS!
 Prenez connaissance des candidats, et ensuite votez dans le sondage en pied de page.  Vous avez 15 jours pour voter...
Candidat numéro 1: Le loup, c'est forcément moi, celui du Petit Chaperon rouge, celui de Perrault! 
Vous aimez les contes, vous me choisirez forcément! Je suis un personnage  féroce dont il vaut mieux se méfier. Mais je suis l'image du loup depuis le Moyen Âge. Les autres, à côté, sont des amateurs.

Pour les bestiaires du Moyen Âge, je suis un animal diabolique, féroce et cruel, qui aime la chair humaine. Mon hurlement et mes yeux qui brillent dans la nuit sont terrifiants.  La plus ancienne version du Petit Chaperon Rouge date des environs de l'an mille, et  n'a cessé d'être reprise depuis.
Je suis également rusé: je précède la fillette et je me déguise ensuite en grand-mère. Le déguisement est d'ailleurs un trait récurrent mentionné dans les bestiaires: je me revêts parfois d'une peau de mouton pour entrer dans la bergerie. Et je suis  d'ailleurs capable de "montrer patte blanche" dans Le loup et les 7 biquets.

Je suis le champion toute catégories. D'ailleurs vous aimez bien avoir peur, non? Et vous êtes attaché(e) aux contes de votre enfance. Alors n'hésitez pas! Votez pour moi!


Candidat numéro 2: Un peu d'humour, je suis le loup de Plouf! de Philippe Corentin, 
Ne me dîtes pas que vous avez peur du loup! D'ailleurs, vous préférez les histoires qui finissent bien, et surtout vous préférez les personnages qui vous font rire! Par exemple un personnage un peu stupide, souvent crédule ou naïf, et qui va se retrouver dans les pires situations pour assouvir sa "faim de loup"!

Je suis un peu comme Ysengrin, dans le roman de Renart: une victime facile du goupil, rusé et diabolique. Dans "le piège du puits", Renart parvient à sortir du puits en trompant Ysengrin.  Dans Plouf! on reprend l'idée du puits, mais avec des variantes. Bien sûr, j'ai tellement faim que je prends pas mal de risques!
D'ailleurs, des loups maladroits ou crédules, on en retrouve beaucoup dans les histoires ou dans les fables .
Ces péripéties amusantes vous réjouissent, non? Alors votez pour moi!

Candidat numéro 3: Un peu de nuance tout de même! Je suis Lucas, le Loup sentimental, de Geoffroy de Pennart

Vous aimez les personnages complexes, parfois tendres et amicaux, parfois tiraillés par leurs instincts. Ce qu'il vous faut, c'est un loup presque humain, avec ses qualités et ses défauts... mais qui descend tout de même d'une grande lignée de prédateurs cruels.

D'accord, je suis un loup, et un loup, c'est un loup: il mange forcément des animaux et pas des plantes! C'est le message de Marlaguette, de Marie Colmont (album du père Castor) . Mais cela ne signifie pas qu'il est méchant ou cruel. Comme moi, il y a des loups gentils et sensibles, par exemple le jeune Loulou de Grégoire Solotaref. Bon, d'accord tout ne finit pas toujours très bien, car l'instinct peut reprendre le dessus. Je pense au loup des Contes du Chat perché de Marcel Aymé. Mais, c'est tout ce qui fait la complexité du personnage!
Vous aimez bien un peu de complexité et d'émotion dans les histoires, non? Alors votez pour moi sans hésitation!

Candidat numéro 4: Mystère et beauté d'un animal sauvage, je suis Loup Noir, d'Antoine Guilloppé

L'image du loup dans les histoires, franchement ça ne lui fait pas honneur. Voyez plutôt mes concurrents:  ou bien il est féroce et cruel, ou bien il est ridicule, ou encore il marche sur 2 pattes et lit le journal! Oubliez ça.


Moi, je suis dans la neige, dans la forêt... j'incarne un animal sauvage et libre. Ce qui importe autour de moi, c'est l'ambiance, la beauté, le mystère. Un peu de peur, ça ne vous déplaît pas, je suis un fauve après tout! Mais ne vous fiez pas aux apparences...
Vous aimez la nature et la faune sauvage, vous trouvez dommage que le loup ait été diabolisé longtemps, ridiculisé parfois. C'est injuste pour un si bel animal. Réhabilitez-le! Votez pour moi!


Maintenant, votre choix est fait?
 Rendez-vous tout en bas de page pour le sondage et votez pour votre candidat préféré!
On se retrouve dans 2 semaines... Le temps de faire voter aussi famille et amis!

mercredi 13 mai 2015

Connaissez-vous les animaux fabuleux du Moyen Âge?

D'après Bestiaires du Moyen Âge, Michel Pastoureau.Les illustrations sont extraites de l'ouvrage. 
Souvenez-vous: au Moyen Âge les animaux sont dotés de propriétés qui les classent dans la catégorie divine ou diabolique. Ils sont représentés dans les bestiaires afin de permettre l'éducation religieuse des hommes.
Nous avons vu le cas d’animaux courants: cerf, renard, corbeau. Il en est de même pour les animaux lointains et exotiques (éléphant, crocodile, tigre, singe) mais aussi pour les animaux imaginaires qui, à cette époque étaient considérés comme réels. Ainsi, l'éléphant et la panthère étaient  vertueux et le singe diabolique,  mais aucun animal n'était autant craint que le dragon, tout aussi réel qu'eux, et véritable incarnation du diable.
Les animaux vertueux étaient donc forcément les ennemis du dragon.
Le dragon est le plus terrible des serpents. Il peut avoir 2 ou 4 pattes, et souvent des ailes, parfois des cornes. Ainsi, il rampe, marche ou vole. Sur l'illustration de droite, le combat de l'éléphant et du dragon figure la lutte du bien contre le mal. (vers 1195-1200). Sur l'image en-haut à gauche, est représenté un arbre merveilleux dont l'ombre protège les colombes du dragon, car cette ombre est mortelle pour lui. (L'arbre peridixion, vers 1255- 1265)

Nous l'avons vu, même les animaux réels possédaient des propriétés que nous jugeons assez curieuses aujourd'hui: le cerf vit 1000 ans, la belette conçoit par la bouche et enfante par l'oreille, le lynx est un immense ver de couleur blanche, l'hirondelle mange, boit et dort en volant! Mais comme le dit très justement Michel Pastoureau: "Le passé ne peut pas se comprendre - et encore moins se juger- par rapport aux sensibilités, aux valeurs et aux certitudes du temps présent." Il faut donc s'intéresser aux croyances et ne pas les juger à l'aulne de nos connaissances actuelles: "C'est pourquoi, ajoute l'auteur,  on ne peut pas opposer l'imaginaire et la réalité. L'imaginaire est une réalité. Il existe."
La panthère des bestiaires, par exemple,  est un animal fabuleux et s'apparente au Christ. Elle a un pelage merveilleux fait de 7 couleurs et une odeur si suave qu'elle attire tous les animaux, sauf le dragon, son ennemi, qui bien sûr représente le diable.(illustration ci-contre vers 1260-1270)
Je pense que vous connaissez plutôt bien la sirène ou le centaure, la licorne ou le dragon. Mais, essayez donc de deviner le nom des 3 animaux fabuleux qui suivent. Réponses sur la page suivante,  en cliquant à la fin de l'article sur le lien "suite & réponses"
Numéro 1 ci-dessous:
Il a un avant-corps d'aigle et l'arrière d'un lion. Il est très fort, voire invincible. Il est souvent le gardien de trésors.Qui est-il?


Numéro 2, ci-contre 
Un coq devenu vieux pond parfois des œufs: si l'un de ces œufs est couvé par une bête venimeuse comme un crapaud, un aspic ou un dragon, il en sort un animal effroyable, représenté ici. Il a la tête et les ailes du coq et le corps du serpent. Il peut tuer d'un seul regard.
Quel est son nom?


Numéro 3, ci-dessus 
Il a un corps de tigre (en Inde) ou un corps de lion (en Ethiopie), et une tête d'homme avec 3 rangées de dents. Il se nourrit de sang, c'est une créature du diable. C'est le moins connu des trois. Vous connaissez son nom?

Maintenant, cliquez ci-dessous sur Suite & réponses pour avoir les réponses! A bientôt!


mercredi 6 mai 2015

Animaux de Dieu, animaux du diable: le bestiaire du Moyen Âge

Les hommes du Moyen Âge savent observer la faune. Mais, nous explique Michel Pastoureau dans son ouvrage Bestiaires du Moyen Âge (Seuil), ce n'est pas l'observation réaliste qui les intéresse mais plutôt une sorte de vérité métaphysique et religieuse qu'ils recherchent. Si Dieu a fait l'homme à son image et pas les animaux, on peut penser d'abord que ce sont des êtres inférieurs. Toutefois, ils sont aussi des créatures de Dieu et il faut chercher chez eux un enseignement, une signification, parfois un modèle pour les hommes. 
C'est justement la fonction des bestiaires. On désigne sous ce nom, en particulier aux XII° et XIII° siècles, des recueils qui décrivent les propriétés (réelles ou imaginaires) des animaux, pour en tirer des enseignements moraux et religieux. Leur aspect, leurs mœurs et leur comportement, mais aussi des légendes ou croyances les concernant, conduisent à leur attacher une symbolique forte: le lion, qui passe pour dormir les yeux ouverts est un symbole de vigilance et s'apparente au Christ qui veille sur les hommes. Par contre, le porc qui fouille le sol sans lever les yeux vers le ciel symbolise l'homme pêcheur qui préfère les biens matériels terrestres à l'espoir de la vie après la mort. 
La pensée médiévale établit donc un lien entre ce qui est apparent (aspect) et ce qui est caché (signification): L'hirondelle préfère les bienfaits du ciel au confort terrestre; la preuve, c'est qu'elle est censée se nourrir, boire et dormir en volant, on la trouve ainsi représentée en train de boire la pluie qui tombe du ciel, sans se poser sur le sol. Les grues qui accomplissent de grands voyages et sont capables de monter haut dans le ciel, sont également vertueuses et considérées comme intelligentes, solidaires et vigilantes.  (Ci-dessus: Grues, vers 1195, 1200. L'attribut qui permet de reconnaître la grue est le caillou qu'elle a dans la patte: Quand, au cours de leurs grands voyages, elles se posent pour dormir, une seule d'entre elles veille, et pour ne pas succomber au sommeil, elle tient un caillou dans sa patte. Si elle 'endort, le caillou tombe et la réveille. La grue est ainsi symbole de vigilance, elle est comparée au pasteur qui veille sur ses ouailles avec sa foi intense.)
Avant le XIIème siècle, les animaux n'étaient pas représentés pour eux-mêmes. Ils faisaient partie d'une scène, d'un décor, étaient accessoires. Mais avec les bestiaires, ils viennent désormais sur le devant de la scène. L'influence de ces ouvrages destinés à célébrer le Créateur et à enseigner les vérités de la foi s'étend dans de nombreux domaines: littérature, sculpture, armoiries, proverbes. Ils font partie de l'histoire culturelle, plus que de l'histoire naturelle. 
Parmi les animaux christiques, on trouve le cerf. Il est en effet le symbole de la résurrection car ses bois repoussent chaque année et sont une arme contre les forces du mal. Même son  nom latin,  cervus,  s'apparente à l'un des qualificatifs associés à Jésus, servus. Le cerf était peu apprécié des Romains, et l'Eglise s'est efforcée de le transformer en créature christologique. Il est symbole de longévité (il pourrait vivre 1000 ans!), de rapidité et de résurrection. (Ci-dessus: Cerfs. vers 1180-1190) 
De plus il est l'ennemi du serpent, qui, on le sait, est une créature de Satan. Le cerf force le serpent à sortir de son trou en le remplissant d'eau. Une fois le serpent sorti, le cerf le tue et le mange. Mais le serpent est tellement venimeux, même mort, que le cerf doit ensuite chercher une fontaine ou une source pour s'y abreuver. Référence à un verset biblique (psaume 41) où "l'âme de l'homme juste cherche le Seigneur de la même façon que le cerf assoiffé cherche l'eau de la source." Le cerf est donc un animal vertueux, pur, image du bon chrétien et même substitut du Christ. Il est tout l'inverse du sanglier, "bête immonde, malfaisante, incarnation des ennemis du Christ. Il est laid, noir, "hérissé", il sent mauvais, il fait du bruit, il vit dans les ténèbres: c'est en tout point une créature démoniaque."  

La pensée médiévale fonctionne par analogies et oppositions. Tout comme le cerf, la belette est ennemie du serpent et se trouve donc parée de toutes les vertus. La blanche colombe, symbole de pureté, de douceur et de fidélité, est un oiseau divin qui s'oppose au corbeau noir dont il faut se méfier. Le noir est en effet un attribut démoniaque, et un chat noir est une véritable incarnation de Satan!
Le symbole du mal est d'ailleurs associé à tous les animaux nocturnes. Voir la nuit est le propre des créatures de l'enfer: chat, loup, renard, chouette, chauve-souris ont été largement victimes de cette assertion. Car la nuit, selon le commandement de Dieu, tout bon chrétien doit dormir. Ceux qui ne dorment pas se livrent à des activités malfaisantes, des pratiques magiques ou des cérémonies hérétiques (comme les Cathares, associés au Chat). 

Parmi ces animaux démoniaques, le renard, que l'on dit rusé, est avant tout le symbole du mensonge et de la trahison. Sa couleur en est d'ailleurs la preuve: il est roux, comme Judas. De plus, par une association d'idées qui nous semble aujourd'hui assez étrange, on rapproche le nom latin du renard (VULPUS) d'une expression latine signifiant QUI VIREVOLTE AVEC SES PIEDS.  Cela voudrait dire que le renard  ne marche pas droit, c'est un fourbe de corps et d'esprit. Comme lui, les hommes pécheurs "avancent dans la vie par des chemins détournés, ne regardent pas en face les vérités de la foi, tournent le dos aux appels du Seigneur." Les hypocrites qui se rendent à l'Eglise mais "y rentrent de biais" comme le renard sont de grands pécheurs. Perfide, le renard est donc une représentation du diable, et ses ruses ne servent qu'à attirer les hommes sur le mauvais chemin. 
(Ci-dessus: Renard, vers 1240)
Certaines significations sont cependant moins tranchées: si le renard, la chouette, la chauve-souris et le serpent sont nettement animaux du diable, si le lion, le cerf, la belette et la colombe sont quant à eux vertueux, il en est d'autres plus ambivalents, qui présentent à la fois certaines qualités et certains défauts. Ainsi l'âne est valeureux et ne se plaint jamais dans le travail, mais il est têtu et stupide; Le cygne blanc est un symbole de vertu, mais cette blancheur immaculée ne dissimule-t-elle pas des vices cachés?

Certains animaux, célébrés par toutes les mythologies païennes, ont été choisis par l'Eglise pour devenir des symboles impies. Nous l'avions vu avec le serpent. C'est aussi le cas du corbeau. Loué dans l'Antiquité comme un oiseau doué d'intelligence et de mémoire, oiseau sacré des Celtes, des Germains ou des Slaves, il entre avec le Christianisme dans le bestiaire du Diable: "image de l'homme pécheur, noirci par la boue de ses fautes ou incarnation du démon et de toutes les forces du mal." Voleur, glouton, il ne respecte ni le Carême ni le jeûne du vendredi. Il est hypocrite et met son intelligence au service du mal. 
Par la suite, la symbolique du corbeau va continuer à se dévaloriser: dans les fables ou les proverbes il est oiseau de mauvais augure, que l'on veut exterminer. Pourtant, on sait aujourd'hui que le corbeau est non seulement le plus intelligent des oiseaux, mais aussi probablement le plus intelligent de tous les animaux, à l'égal des grands singes, et bien devant le porc ou le dauphin. "Le contraste est immense entre le statut scientifique de cet oiseau, vedette de tous les savoirs, et les traditions populaires qui ne voient en lui qu'un méchant oiseau noir et néfaste qu'il faut fuir et massacrer."(Ci-dessus: Corbeau, vers 1240-1250)
Une fois de plus, on voit que l'image véhiculée par l'Eglise il y a environ 800 ans a la vie dure. Le corbeau, comme le serpent, la chouette ou la chauve-souris,  a encore besoin de réhabilitation! 

Outre les nombreux animaux présents dans les bestiaires du Moyen Âge, j'aurai l'occasion de vous parler des créatures fabuleuses comme la licorne ou le basilic, qui à l'époque étaient tout aussi réels que le cerf ou le serpent.
A bientôt!

D'après: Bestiaires du Moyen Âge, de Michel Pastoureau. Ed. Seuil. Les images ci-dessus sont extraites de l'ouvrage.