mercredi 29 avril 2015

Les mésanges du mandala

Biologiste américain, David G. Haskell observe durant toute une année, dans le Tennessee, une petite parcelle de forêt d'un mètre de diamètre qu'il baptise mandala. Le livre qu'il écrit à partir des relevés de ses observations minutieuses est à la fois une mine de renseignements sur le vivant et un plaidoyer écologique qui fait forcément réfléchir sur l'interdépendance des êtres vivants et sur notre place d'humain sur la Terre.
Un an dans la vie d'une forêt, de David G. Haskell, éd. Flammarion

Je m'attarderai sur l'un des premiers chapitres du livre: le 21 janvier, par une température de -20° et un vent glacial, l'auteur nous parle de l'extraordinaire adaptation des mésanges de Caroline au froid hivernal.

Pour lutter contre le froid, les mésanges du mandala ont d'abord leur plumage isolant. Outre la couche supérieure de plumes, elles possèdent un duvet au-dessous, dont chaque plume est constitué de milliers de fines fibres. L'ensemble de ce duvet léger retient 10 fois plus de chaleur que la même épaisseur de polystyrène. L'hiver, les mésanges ont 50% de plumes en plus, et elles peuvent en doubler l'épaisseur en les faisant bouffer. L'auteur précise que, pour une même espèce, les individus des régions nordiques, plus froides, sont généralement plus grands que ceux du sud, ceci étant dû au fait que la quantité de chaleur qu'un animal peut produire augmente avec son volume. 
D'autre part, les puissants muscles de leur poitrine, qui représente le quart de leur poids total, leur permettent de frissonner, ce qui constitue leur principale source de chaleur. Les frissons, en effet, provoquent un gros afflux de sang chaud... mais d'un autre côté c'est une grosse dépense d'énergie et il faut trouver suffisamment de nourriture pour satisfaire les besoins que cela occasionne. C'est évidemment un problème sur le sol gelé de la forêt où l'on ne voit ni insecte, ni araignée, ni bien sûr aucune graine de tournesol, ce qui serait une véritable aubaine car une graine fournirait à elle seule au moins 2 des 16 kcalories nécessaires à la mésange par jour!

Trouver de la nourriture est donc la principale occupation de la journée. La mésange est très agile et inspecte minutieusement chaque branche. De plus, les oiseaux ont une acuité visuelle très développée. Les mésanges peuvent ainsi distinguer de minuscules fentes que nous ne voyons qu'à la loupe et les fouiller pour y trouver des insectes. Leurs yeux, équipés de 4 types de récepteurs chromatiques (au lieu de 3 chez l'homme et de 2 chez de nombreux mammifères) leur permettent de percevoir un très large éventail de couleurs. La vision ultraviolette et la précision des couleurs les aident à démasquer le camouflage des insectes. 
Lorsqu'elles trouvent une quantité suffisante d' aliments, le brusque apport se transforme en matières grasses pour tenir durant les périodes difficiles. Les mésanges peuvent ainsi puiser dans leurs réserves lorsqu'elles ne trouvent rien à manger. Il leur arrive aussi de cacher des provisions et de les défendre en chassant les importuns qui voudraient s'en saisir.
A la tombée de la nuit, elles se blottissent à plusieurs et tombent dans un état d'hypothermie qui diminue leurs besoins énergétiques pendant la nuit.
L'auteur nous explique que cette belle adaptation au froid ne suffit cependant pas à éviter la mortalité hivernale. Les provisions de nourriture de janvier ne sont pas suffisante pour faire vivre toute la population de mésanges de Caroline. Lorsque l'été reviendra et que la nourriture disponible sera alors en excès, ce sont les oiseaux migrateurs, de retour d'Amérique du sud, qui profiteront de cet apport saisonnier: "Le froid hivernal est donc à l'origine de la migration annuelle de milliers de tangaras, passereaux et viréons."
Je consacrerai un deuxième article à "Un an dans la vie d'une forêt, mais, je ne peux que vous conseiller la lecture de l'ouvrage complet!
Bonne semaine...printanière!



mercredi 22 avril 2015

L'ambivalence du serpent

Ci-dessous, couleuvre à collier
Photographie de Matthieu Berroneau
http://www.flickr.com/mp7


Il y a quelques semaines, notre sondage confirmait que le serpent est un animal qui inspire souvent de la crainte. 

Si la morsure de certains serpents du monde est certes très dangereuse, on remarque qu'une inoffensive couleuvre en France est encore souvent persécutée sans raison. Ce comportement irrationnel existe chez certaines personnes qui n'ont même jamais vu de serpents dans la nature!

Parlons un peu de la couleuvre à collier:
On voit bien sur cette photo, autour du cou de la couleuvre,  l'espèce de collier noir  qui lui donne son nom.  La femelle est plus grande que le mâle; elle mesure environ un mètre, et exceptionnellement elle peut même atteindre jusqu'à deux mètres! Mais elle n'est pas dangereuse: si elle est attaquée, elle n'est pas agressive et fuit rapidement. Elle vit au bord des mares et des étangs car elle aime se nourrir de poissons, de têtards ou de grenouilles. Elle nage très bien, et peut aussi rester longtemps sous l'eau. Si elle se sent menacée elle se défend tout simplement en faisant le mort ou en dégageant une très mauvaise odeur. Comme vous le voyez, il n'y a pas de quoi paniquer!

Les serpents ont de tout temps été un objet de crainte, de fascination mais aussi de vénération dans de nombreuses civilisations du monde. 
Présents sur des peintures rupestres datant de 20 ou 30 000 ans, ils font également partie de cérémonies très anciennes chez de nombreux peuples. Ces rituels sont souvent liés à la fécondité et à la fertilité. Pour les aborigènes d'Australie, l'abondance de serpents est à la fois gage de nourriture suffisante et de fertilité puisque leur retour chaque année à la saison des pluies est lié à la présence bénéfique de l'eau dans les terres arides. 
Le serpent est également souvent considéré comme un génie du sol associé à la terre. Les Indiens d'Amérique, au cours de cérémonies et de danses, lâchaient ensuite des serpents dans des cavités du sol afin qu'ils aillent transmettre leurs prières aux dieux. Messagers auprès des dieux, les serpents étaient donc porteurs d'espoir. Ils étaient aussi censés, en Afrique ou en Asie, maîtriser certains phénomènes naturels, notamment la pluie.  
Dans l'Egypte ancienne, Mehen, divinité en forme de serpent, avait surtout un rôle protecteur envers Rê et les rois. C'était aussi le symbole du renouveau . En effet le serpent mue chaque année, il renaît en quelque sorte, il est donc le symbole du cycle naturel du monde.  
D'une manière générale, les serpents comme les autres les forces dangereuses étaient vénérées car il s'agissait de s'attirer leurs bonnes grâces. On retrouve cette même vénération dans les civilisations précolombiennes, ou, comme dans l'exemple suivant, en Mésopotamie: dans le vase ci-contre est représenté l'affrontement du léopard et du serpent. Le léopard est le régulateur des forces de la nature qui, elles, sont symbolisées par le serpent. (vase tronconique. Iran. Troisième millénaire avant JC). En Inde, les serpents pouvant également se présenter comme bons ou mauvais, on procédait parfois à des sacrifices humains pour s'attirer leurs grâces.
Symbole de si nombreux cultes païens, le serpent est vite devenu pour les chrétiens le bouc émissaire idéal. 
La religion chrétienne en a fait l’emblème du mal, le démon tentateur du jardin d'Eden. Chassé, détesté et persécuté, le serpent a donc été victime de ce symbolisme religieux. Au Moyen-Âge, son alter ego, le dragon, a connu la même dépréciation. Nombre de saints ont exterminé des dragons, ainsi St Georges ou St Michel pour ne citer que les plus connus
.
Qu'il s'agisse du dragon, du serpent ou d'autres animaux appartenant aux divinités païennes, on est surtout en présence d'une conception très différente de la création du monde. Pour les peuples qui les vénéraient , ces animaux n'étaient que des formes passagères prises par des divinités souvent polymorphes qui continuaient à intervenir régulièrement dans le destin du monde et des hommes. D'où la nécessité de s'attirer leurs faveurs, de les honorer régulièrement pour la pluie, les récoltes ou la fertilité. Selon la Genèse par contre, le monde résulte directement de la création divine. "Il a été créé une fois pour toutes. Il n'est pas l'oeuvre de divinités occultes qui continuent de le hanter et de le recréer." (Philippe Walter)


 De nos jours, on prend peu à peu conscience de l'importance de toutes les espèces dans un écosystème. Les serpents, en se nourrissant d'insectes et de rongeurs, sont notamment très importants pour garder l' équilibre de ces populations. En France ils sont désormais protégés. Toutefois, la couleuvre à collier, citée plus haut, est quasi menacée et la vipère d'Orsini -petite vipère se nourrissant de grillons et sauterelles et vivant dans le Sud-Est de la France- est en danger critique d'extinction.

Sources:
Tous les serpents du monde, de Chris Mattison
"Génération dragon", par Philippe Walter, in Fées, elfes, dragons, exposition de l'abbaye de Daoulas
Sites des musées du Louvre, du quai Branly et du musée Guimet

Bonne semaine, et à bientôt!

mercredi 15 avril 2015

Le peuple des faunes

Liann, notre petit héros est un enfant faune.

Comment son peuple s'est-il installé dans cette forêt, à l'abri du regard des humains?

Mais au fait, qu'est-ce qu'un faune?

Ci-contre: Liann, illustration d'Alain Benoist


A l'origine, dans la mythologie romaine, il y avait bien un dieu champêtre nommé Faunus, petit-fils de Saturne. Pierre Dubois, dans sa "Grande encyclopédie des Lutins et autres petites créatures", mentionne qu'il aimait prendre l'apparence d'un pivert. On le représentait, un peu comme le dieu Pan en Grèce, avec des cornes et des sabots.
Ses descendants seront nombreux et ne vont cesser de se ramifier en toutes sortes de races, plus ou moins cornues, dont les Faunes.
Autrefois donc, Faunes et Sylvains peuplaient les forêts d'Italie. Mais comme nous le disions dans un article précédent, les choses ne pouvaient guère durer ainsi: comme toutes les autres créatures surnaturelles, les Faunes ne purent résister aux transformations de la civilisation humaine. Pierre Dubois nous parle de ceux qui restèrent en Italie, devenant des lutins vifs et facétieux, les Folleti.
Mais les autres?
Peut-être ont-ils rejoint la branche des multiples descendants de Pan? (Peter Pan lui-même en serait l'un des rejetons!)
Pan, donc, était un dieu grec, demi-frère de Zeus. Proche du bouc, avec ses poils, ses cornes et ses sabots, Pan aimait la nature, la terre et l'eau. Il était également amoureux de Syrinx, qui donna son nom à la flûte de Pan, et à l'organe du chant chez les oiseaux.
Pas plus que Faunus, Pan ne put résister aux accusations de l'Eglise qui allait voir en lui un diable cornu. Il avait tout intérêt à disparaître et ses nombreux descendants, également pourchassés, durent se disperser et apprendre à se dissimuler. Certains sans doute s'enfoncèrent sous terre, d'autres devinrent peut-être microscopiques, d'autres encore émigrèrent dans des pays lointains , dans des forêts nordiques bien éloignées de la Grèce!
Ceux qui nous intéressent ici se réfugièrent dans les bois et furent accueillis par des Sylvains ou des Fées qui les avaient précédés. En se mêlant à eux, ils donnèrent naissance à un peuple à l'apparence mi-humaine mi-animale, qui sut développer suffisamment de dons pour échapper à l'hostilité des humains.
Sans doute les faunes du peuple de Liann sont-ils de ceux-là: leur vie secrète à l'abri du regard des hommes, leur communion avec la nature, leur proximité avec les animaux et leurs pouvoirs surnaturels peuvent en tout cas le laisser penser!

mercredi 8 avril 2015

Sur les traces des Etres Fabuleux

"La forêt est le berceau des Êtres Fabuleux: immensité intime où règnent à la fois l'ombre et la lumière, où les quatre éléments se confondent. " Pierre Dubois.


Dans le sondage qui vient de se terminer 73% d'entre vous éprouvent en forêt le plaisir d'observer et d'écouter. Cela s'accompagne d'une sensation de paix pour 52%. Même si vous ressentez parfois  une certaine inquiétude diffuse (26%) , la peur de vous perdre (36%) ou de faire de mauvaises rencontres (36%) j'en conclus que vous êtes tout à fait prêts à me suivre sur le chemin des créatures enchantées.
Les êtres des Royaumes inconnus  sont multiples. Fées, Lutins, Gnomes, Petit peuple des mousses, Gobelins, Farfadets, Sylvains, Faunes, Trolls, Elfes... Beaucoup sont bienveillants, rassurez-vous, même si votre légère inquiétude et votre crainte des rencontres peuvent s'expliquer par la présence de certaines espèces hostiles à l'homme. On les trouve dans les Contes, et plus encore en suivant un sentier qui s'enfonce en forêt, à l'ombre d'un grand chêne, dans les sources ou les marais, au ras des mousses et des champignons. Mais attention, comme le dit Pierre Dubois "Tout s'évanouit au moindre oubli, au plus innocent battement de paupière: le peigne d'or redevient coquillage, le cadeau feuille sèche, la montagne se referme et le sentier s'efface."
C'est pourquoi nous n'avancerons que prudemment dans le monde des Lutins ou autres créatures fabuleuses. Avant d'accomplir cette promenade enchantée,  je vous propose aujourd'hui en introduction un rapide tour d'horizon historique.

Au début du Moyen-Âge, malgré les références encore fortes au monde antique - grec ou romain- prend naissance en Europe une littérature irréelle et fascinante, directement inspirée des Celtes. Les écrivains recueillent en effet des récits jusque là transmis oralement par les bardes et créent ainsi un monde féérique qui va se propager partout en Europe et se mêler souvent à une mythologie existante.
C'est pourquoi ces êtres enchantés présentent  de nombreuses variantes, selon leur origine celte, romane, germanique ou norroise, et on dénombre ainsi des centaines de créatures différentes. On peut cependant les diviser en trois catégories principales: les Fées, les Géants et les Nains.
Dans la mythologie norroise (Norvège) le géant Ymir est né de la rencontre et de l'explosion des mondes de la glace et du feu. Plus tard, après son assassinat par son descendant Odin, le corps d'Ymir sert à former notre planète: ses os deviennent des rochers, sa chair la terre, son sang les ruisseaux et les fleuves, ses cheveux les forêts ou les landes...  Lorsque du cadavre d'Ymir devenu monde commencent à grouiller des vers et des asticots, Odin décide de s'en faire des alliés et les dote de pouvoirs magiques, donnant ainsi naissance aux  Nains. Les 4 plus forts d'entre eux soutiendront la voûte céleste. Les autres peupleront la planète bien avant l'apparition de l'homme. Dans la mythologie germanique par contre, les Géants, brutaux et violents,  sont créés après les Nains pour les défendre contre les animaux monstrueux.
On retrouve les Nains dans la mythologie norroise mais aussi en Italie (gardiens des trésors), en Allemagne (mineurs et forgerons ou lutins protecteurs des maisons),  en France (gnomes garants des secrets de la terre et dotés de pouvoirs de divination), en Normandie, en Angleterre et en Écosse (Gobelins descendants des Alfs noirs et Alfs blancs, étranges mélanges d'influences ténébreuses ou lumineuses)...
Au cours du Moyen Âge, en Europe, le Christianisme prend de l'ampleur, et "le recours aux fées et aux êtres de l'Autre Monde serait la réaction aux contraintes et aux interdits de l’Église" (Claudine Glot). Alors que les dieux païens sont interdits par l’Église, les petites divinités, comme les dieux des forêts, sont si proches des préoccupations du peuple (foyer, récoltes, animaux, maison) qu'ils vont longtemps résister dans les campagnes. Pierre Dubois note que les Lutins sont vers 1212 décrits comme "des démons ou des êtres d'une nature secrète et inconnue qui s'entendent avec les gens simples des campagnes, assistent à leurs veillées, les aident dans les tâches domestiques."
Au fil du temps, l'image de toutes ces créatures souffrira forcément de la croisade chrétienne. Ainsi, les Elfes, bons et bienveillants au départ, sont considérés avant l'an mille comme maléfiques. Le dragon également: d'abord principe créateur il possède des pouvoirs magiques et celui qui, comme Sigurd, goûte son sang comprend alors le langage des animaux. Pourtant il devient dans l'Occident médiéval un monstre à éliminer et l’Église place dans ce combat "un triomphe allégorique du christianisme sur le paganisme". (Claude Lecouteux).
Diabolisées au cours des siècles, ces créatures sont bien obligées de se cacher, quitte à devenir minuscules ou invisibles. Les cultes deviennent secrets, les noms évoluent. A la fin du XVIème siècle, et plus précisément à partir de Shakespeare, on assiste d'ailleurs à une miniaturisation du monde féérique.
Comment les créatures fabuleuses ont-elles résisté, comment sont-elles entrées dans la littérature et arrivées  jusqu'à nous? Pourquoi un tel retour en force de nos jours de tous les êtres des royaumes féériques? C'est une autre histoire et nous aurons l'occasion d'y revenir.
Prochainement je m'attarderai aussi sur la généalogie de notre petit héros, Liann l'enfant faune.
A bientôt!
                                                                                                           


Illustrations: 1. John Bauer (1913)
                     2.  Gustave Doré (gravure de 1887)
Sources: 
1. Fées, elfes, dragons et autres créatures des royaumes de féérie, catalogue de l'exposition présentée à l'abbaye de Daoulas (décembre 2002-mars 2003) , dirigé par Claudine Glot et Michel Le Bris
2. La grande encyclopédie des Lutins et autres petites créatures, de Pierre Dubois

mercredi 1 avril 2015

Ces animaux mal aimés des hommes: les araignées

Notre petit sondage de la semaine dernière court encore, mais on constate d'ores et déjà que les araignées et les insectes  sont le duo gagnant de nos peurs, suivis de près par les serpents! Puis viennent les souris ou rats, les chauve-souris et les vers de terre.(relevé du mercredi 1er avril).
Dans son introduction à la philosophie, André Guigot propose de cette peur une étrange explication: "les êtres vivants ont tous pris la bonne habitude d'avoir de la peau, de la chair et des os en-dessous...Eh bien les insectes [et les araignées] non! Et c'est précisément ce qui nous effraie!" Autrement dit, nous aurions la sensation, en les voyant dépourvus de peau,  d'être face à des squelettes animés, en quelque sorte des morts- vivants, comme dans les pires films d'horreur.
Je ne suis pas très sûre que ce soit là l'explication. Je pense pour ma part que les araignées nous renvoient aux endroits où l'on se sent vulnérables, comme les caves obscures et les lieux abandonnés, ou encore aux dangers cachés. Mais surtout elles symbolisent la capacité de nous prendre au piège dans leurs toiles et de disposer d'armes redoutables. 
Invisibles sous les pierres pour certaines, dans des fourrés impénétrables ou enfouies dans le sol pour d'autres, elles nous apparaissent comme le symbole même du prédateur. L'araignée est en effet capable de se déplacer avec aisance et de réagir promptement  grâce à ses 8 pattes très articulées, pourvues de poils sensoriels longs et fins qui oscillent à chaque mouvement d'air et excitent les cellules nerveuses de l’animal.
La nature l'a également pourvue de plusieurs yeux simples, des ocelles, au nombre de 7 à 8 pour les araignées d'Europe, et de pattes-mâchoires qui servent d'organes tactiles et portent des lames maxillaires. Et pour clôturer le tout elles possèdent selon les familles des glandes à venin, parfois associées aux glandes séricigènes: dans ce dernier cas, les araignées, grâce à un mouvement rapide sont capables de projeter, tel un lasso, un fil de soie engluée sur leurs proies. L'insecte visé est alors immobilisé, "scotché sur place" et peut ensuite être envenimé et dévoré.
Tout cela, me direz-vous a de quoi distiller une légitime terreur. Oui, bien sûr, si vous avez vous-même la taille d'un insecte!


Ci-contre 2 images extraites du film L'homme qui rétrécit.(1957) Son réalisateur, Jack Arnold, explique: "Je voulais créer un climat qui vous laisserait imaginer ce que ce serait si vous deveniez minuscule, que les choses banales et courantes de la vie quotidienne deviennent bizarres et menaçantes...Une araignée devient la chose la plus terrifiante que vous ayez jamais vue."
Dans cette scène particulièrement marquante, le héros, devenu minuscule, doit affronter une araignée.  Mais vous avouerez qu'il s'agit là d'un cas extrême!!!
Là encore, notre imagination prend le dessus sur la réalité en nous mettant dans la peau d'un être sans défense face à un prédateur d'une terrible efficacité. Et si nous tentions de voir les araignées autrement?
"Apprendre à voir la nature, nous dit encore André Guigot, c'est apprendre à mieux se connaître: c'est là que se joue toujours l'essentiel de notre sort". Un sort qui est lui-même "entièrement lié à ce foisonnement perpétuel et vivant qui peuple notre environnement." Ce qu'il veut dire par là, c'est que tous les êtres vivants de la planète sont en interconnexion. L'homme devrait cesser de voir la nature comme un simple objet de maîtrise et de possession, et lui accorder une valeur autonome indépendante de son usage. Un peu de modestie, donc, et place à l'observation!
Chez les araignées, la diversité des mœurs et la morphologie des espèces, l'esthétique de certaines d'entre elles, la perfection de leurs toiles, sont autant d'éléments qui fascinent et forcent l'admiration.
Certaines araignées diurnes chassent à l'affût et repèrent leurs proies grâce à leur vue très développée. D'autres, nocturnes, ont un exceptionnel sens du toucher et attaquent les proies dès qu'elles frôlent une de leurs pattes. Mais la plupart des araignées tissent des toiles et chassent ainsi "au filet".
"Quiconque a déjà pris le temps d'observer une épeire construire sa toile, d'admirer une araignée sauteuse s'approchant de sa proie ou de contempler une araignée-loup transportant sa progéniture sur son dos risque de succomber à la fascination que suscite ce groupe d'animaux." (Heiko Bellmann) A nous de surmonter notre appréhension pour accéder à cet univers.
En Europe peu ou pas d'espèces d'araignées présentent un danger pour l'homme: la peur suscitée par la tarentule est totalement injustifiée, sa morsure correspond tout au plus à une piqûre de guêpe et ne présente aucun danger. Elle est essentiellement nocturne et passe sa journée dans un terrier de 30cm de profondeur qui s'enfonce verticalement dans le sol. Sa mauvaise réputation peut venir d'une confusion de nom (on appelle les mygales "tarentules" en Amérique) ou d'aspect (on la confond avec la Malmignatte dont le venin est toxique. Si vous souhaitez en savoir plus sur la Malmignatte, cliquez sur Suite & réponses au bas de cet article).
La plupart des espèces d'araignées sont hélas aujourd'hui menacées et certaines disparaissent rapidement. Les grands bouleversements qui altèrent les milieux naturels affectent les araignées comme le reste de la biodiversité! Les hommes ont partout creusé, planté, labouré; ils ont créé des zones de loisirs envahies d'engins motorisés, de 4x4 ou de quads; le piétinement excessif des promeneurs altère aussi les espaces et modifie la végétation originelle ; ailleurs, dans les régions agricoles, les anciens pâturages sont désormais plantés de vignes ou de pins, ou exploités d'une manière ou d'une autre ; enfin, les prairies si riches en espèces ont été converties , les mares comblées, les marais transformés en champs de maïs. Ainsi, des centaines d'espèces animales et végétales disparaissent partout en Europe:  faire régresser la destruction des écosystèmes à grande échelle apparaît comme l'unique voie de sauvegarde de la biodiversité.
J'aurai plaisir à vous parler bientôt des serpents, objets de crainte, de fascination et de vénération pour de nombreuses civilisations du monde. Mais auparavant, dès la semaine prochaine, nous ferons un petit tour au pays des créatures fabuleuses qui peuplent les forêts de notre imaginaire.
Enfin, pour ceux qui n'ont pas voté en bas de page, vous avez encore quelques jours, jusqu'à dimanche 5 avril! Merci, et à mercredi prochain.

Sources: Les renseignements sur les araignées sont dus à Heiko Bellmann, Guide des araignées chez Delachaux et Niestlé