jeudi 3 décembre 2015

Les plaies de la planète

En cette période de COP21 je voudrais faire un petit tour du côté de l'écologie. D'abord, je reprendrai les mots de l'éditorial du numéro de décembre du magazine Géo: pour Eric Meyer, rédacteur en chef, "la COP21 ne servira à rien pour sauver la planète". Et cela pour 3 raisons: d'une part on ne peut imaginer que 200 dirigeants puissent parvenir à un accord universel et concret, applicable par des états qui ont tous des réalités différentes; ensuite, le fait de mettre l'essentiel du débat sur les gaz à effet de serre nous amène  à désigner un coupable abstrait, et masque les blessures de tous les jours qui touchent la vie des gens et pour lesquelles chacun de nous serait plus disposé à agir ("une rivière polluée, une espèce qui s'éteint, un dépotoir d’ordinateurs, une forêt arrachée, une montagne de plastique dans la mer"); enfin Eric Meyer insiste sur le fait que la lutte pour le climat repose davantage sur les citoyens, sur leurs implications et leurs inventions que sur les décisions des États. Car ce sont eux, dit-il, "sur le terrain, dans les labos, les forêts ou sur les glaciers qui, demain, inventeront les formes d'énergie ou les procédés qui permettront à l'homme de vivre autrement."
Il n'est pas inutile en effet de rappeler que cette lutte-là est l'affaire de tous. Chacun à son niveau peut -et doit- faire sa part. Ce même numéro de Géo donne des exemples de ces héros anonymes qui agissent pour une cause: créer des forêts communautaires au Cambodge, entraîner des milliers de femmes à recycler les plastiques en Gambie, cultiver sa terre en France sans recours à la chimie et se diriger vers l'autosuffisance, permettre à une île danoise de 4000 habitants d'abandonner totalement l'énergie fossile, lutter contre la déforestation etc.
Mais au-delà de ces exemples, l'article de Géo passe peut-être trop sous silence un autre aspect du problème: ce qui épuise nos ressources, pollue nos terres, extermine certaines espèces, surexploite les océans, c'est avant tout la course au profit.
 La destruction des espaces naturels,  la disparition de la biodiversité, les enjeux liés à l'eau, la folie de la croissance immobilière effrénée, l'exploitation infernale de nos sous-sols, l'accumulation des déchets, la surexploitation des océans, la pollution des nappes phréatiques... NOUS SOMMES TOUS CONCERNÉS! Chaque plaie de la planète est aussi une blessure que nous nous infligeons à nous-mêmes car :

"Seulement après que le dernier arbre aura été coupé, que la dernière rivière aura été empoisonnée, que le dernier poisson aura été capturé, alors seulement vous découvrirez que l'argent ne se mange pas."

Cette phrase est extraite du livre Vers la sobriété heureuse, de Pierre Rabhi, que je ne saurais trop vous conseiller. J'avais d'ailleurs posté sur Babelio il y a quelques mois, après l'avoir lu, la critique suivante

 La pensée de Pierre Rabhi est salutaire. Il nous faut la partager, afin que le monde prenne conscience qu'il va à sa perte s'il s'obstine à cette course au profit, si la consommation à outrance devient un devoir civique, si la croissance économique illimitée s'obstine à épuiser les ressources de la Terre. L'auteur propose de changer totalement le modèle de nos civilisations, et de passer de cette prédation omniprésente, de cette course effrénée au profit, de cette souveraineté de la finance, à un monde où l'humain et la nature seraient au cœur de nos préoccupations.
Dans un style clair, authentique, Pierre Rabhi nous livre son cheminement et nous invite à une indignation constructive, afin de nous affranchir de la tyrannie de la finance et de passer de la logique du profit à celle du vivant. 


 


jeudi 5 novembre 2015

Un auteur proche de la forêt: Pierre Cousin


Je viens de lire Le dernier cerf de Pierre Cousin, et j'ai très envie de vous le faire partager sur ce blog. Comme l'indique la quatrième de couverture, "Depuis son enfance, l'auteur a une passion pour la forêt et la vie sauvage qu'elle habite." Cette passion-là se sent dans toutes les pages du Dernier cerf,petit roman d'une trentaine de pages, paru aux éditions Ex Aequo.C'est un très beau conte, poétique et émouvant, que l'on lit d'une traite. La nature y est partout présente. J'ai beaucoup apprécié l'écriture de l'auteur: le rythme des phrases, la musique des mots, tout participe à cette atmosphère particulière. Ici s'affrontent la folie meurtrière d'un homme et l'amour d'un enfant pour un cerf... Le dernier cerf.

Pierre Cousin nous entraîne sur la piste de l'animal et de l'enfant. Nous la suivons, nous ne pouvons la lâcher. Nous attendons l'issue avec un mélange de peur et d'émerveillement. C'est tout simplement superbe!



Le livre m'a donné envie de découvrir d'autres écrits de Pierre Cousin. La forêt du dessous est également parue aux éditions Ex Aequo. Là encore, un petit garçon, Léon, va devoir affronter bien des dangers, cette fois pour sauver la forêt du démoniaque Esprit du dessous. Au cours de ses aventures, il aura l'occasion de croiser le chemin d'une multitude d'êtres venus d'autres mondes, certains bienveillants, d'autres féroces et effrayants. Léon, ce simple "petit d'homme" est l'élu, celui qui seul peut ramener à la vie la forêt du Mont-sans-Vie.
Un peu plus long et plus complexe que Le dernier cerf, ce livre (68 pages) s'adresse à tous les lecteurs qui aiment ces quêtes dans les mondes fantastiques et ces aventures au-delà des frontières du réel. Pierre Cousin rend ici hommage à Tolkien avec ce court roman, et nous fait encore partager son amour de la forêt et de la vie sauvage.
Pour compléter cette série, il faut encore citer Le tireur de sable où l'auteur partage une rencontre qui a changé sa vie, et exprime son amour pour la rivière.


mardi 27 octobre 2015

L'identification au héros: confirmation ou confrontation?

Une journaliste, à qui je présentais récemment les premières pages et quelques illustrations de notre roman La fugue de Liann  (réédité sous le titre Liann l'enfant faune) m'a fait cette réflexion: "J'aurais préféré un personnage plus humain!"car, m'a-t-elle expliqué, "il est plus facile de s'identifier à quelqu'un qui nous ressemble."
Liann est un faune: il a des cornes, une queue, des sabots, de grandes oreilles... Bref, il est très différent d'un enfant humain. Au début du livre on ne sait pas trop qui il est, c'est vrai: le lecteur n'a pas de représentation de ce qu'est un faune, quant au caractère de Liann, il va apprendre à le connaître peu à peu, et les nuances du personnage -celles qu’espérait la journaliste- ne peuvent être saisies en quelques pages.

Pour autant, l'identification au héros n'est-elle possible que dans la proximité avec lui? Le héros est-il en quelque sorte une confirmation de l'enfant lecteur?

Effectivement, dans la littérature contemporaine, en particulier dans les romans pour les 8/10 ans, on rencontre surtout des personnages très proches du quotidien des enfants: l'école, les copains, les parents, le voisinage... Il est donc facile pour un enfant de s'y reconnaître.
Mais s'identifier ne signifie pas se confondre. C'est exactement "se pénétrer des sentiments d'un autre". Lorsque la mère de Bambi meurt, l'enfant pleure. Non pas parce qu'il se confond avec le petit faon, mais parce qu'il éprouve alors le sentiment de perte et de désespoir de Bambi. S'identifier, c'est éprouver de l'empathie, tout simplement.
Tristesse, peur, joie, toutes ces émotions l'enfant les éprouve lorsqu'il s'identifie à Bambi, à Pinocchio ou à Liann. A des héros bien différents de lui, pas forcément humains, mais qui connaissent les mêmes sentiments que lui.
Ces histoires, de ce fait, non seulement aident l'enfant à cultiver son imaginaire, mais également l'aident à grandir car les héros, dans leurs aventures, vont parvenir à dominer ces émotions, à surpasser les épreuves, à affronter les moments difficiles pour accéder à plus d'autonomie. L'enfant se confronte avec le héros, et comme le dit Joëlle Turin c'est là que s'affirme chez lui "le désir d'une autonomie qui échappe à l'adulte tout puissant et qui le rend plus fort pour affronter ses propres peurs."

Cette analyse fait souvent l'unanimité lorsqu'il s'agit des albums de jeunesse pour les enfants de moins de 6 ans, mais dans la littérature contemporaine le monde de l'imaginaire s'estompe un peu par la suite pour davantage "coller" aux préoccupations quotidiennes des enfants. Je pense qu'il est utile de favoriser les deux aspects: confirmation de soi grâce une certaine similitude , mais aussi confrontation avec soi, possible grâce à la différence.Selon que le héros lui ressemble ou non, l'enfant se construit dans la connivence ou l 'opposition. Si certains livres montrent un univers très proche de celui du lecteur, il en est d'autres qui justement propulsent l'enfant dans un autre monde où il pourra connaître des expériences inédites: le roman est alors "un multiplicateur d'expériences" dont l'enfant va sortir grandi. Grâce aux livres, il peut acquérir les bénéfices de ces expériences sans en affronter lui-même les dangers.
De plus, dans son imaginaire, et dans ses jeux,  l'enfant se dote souvent de pouvoirs qui lui permettent de se donner confiance et de tenir le coup face aux obstacles. C'est ce qui explique le succès des super-héros comme Superman ou Batman. Leur double identité met l'accent sur la puissance que leur procurent ces pouvoirs surhumains, en opposition avec leur quotidien banal. Le génie de Harry Potter tient en grande partie au fait que le héros vit à la fois les mêmes expériences que tout collégien: l'école,les profs, les copains, ... mais se trouve vivre dans un monde magique et différent et qu'il est doté de pouvoirs surnaturels!
Notre petit héros, Liann, est minuscule et semble sans défense. Mais ses pouvoirs magiques, que l'on découvre peu à peu dans le roman et qui s'étofferont dans les prochains tomes, lui permettent de surmonter les difficultés. Quel enfant ne s'est pas imaginé un jour pouvoir communiquer avec les animaux? ou se rendre invisible ? Et vaincre ainsi des adversaires plus grands et plus forts... comme le jeune Bergamote qui ridiculise les deux bandits pour le plus grand plaisir du jeune lecteur.
C'est la revanche de l'enfant sur l'adulte tout-puissant. En cela le roman aide à grandir car il offre à l'enfant un autre regard sur le monde et sur lui-même. Lui aussi peut vaincre les obstacles. Et dans le cas de "La fugue de Liann", il partage avec lui des émotions diverses: la joie de se sentir libre, la colère, la détermination, la tristesse, la peur, la fierté... 

Pour conclure je vous invite à réfléchir sur ce que propose Michel Picard, dans "La lecture comme un jeu". (d'après le compte-rendu de Martine Marloff, dans son article extrait de l'Institut Français de l'Education)
Pour lui, comme dans le jeu, il y a dans la lecture une activité mentale indispensable pour construire du sens. Mais il y a aussi une fonction cathartique, ainsi par exemple "les méchants focalisent le phénomène de projection." Le lecteur se projette, s'identifie, mais cette identification est protéiforme. De toute façon, quelle que soit la forme que revêt l'identification du lecteur, "c'est bien de lui qu'il est question. Il ne subit pas sa lecture: il la produit."

La lecture, comme le jeu, suppose une mise à distance et se déroule dans un univers à part où la distinction entre vrai et faux n’est plus pertinente. Le lecteur, comme le joueur, se dédouble en un sujet « liseur », pour lequel le monde extérieur ne cesse d’exister, et un sujet « lu », qui obéit au principe du plaisir et s’abandonne. Le lecteur, à la fois liseur et lu, croit et ne croit pas à la réalité de l’illusion : « Je sais bien que ce n’est pas vrai, mais je ne veux pas qu’on me le dise ».


lundi 19 octobre 2015

Bientôt Noël! un poster de son héros offert pour toute commande!


NOËL APPROCHE!

Offrez de l'aventure et du rêve à votre enfant avec La fugue de Liann!
Rythme, émotion, magie... tous les ingrédients pour captiver les jeunes lecteurs à partir de 8 ans.
Et pour l'occasion, un poster de son héros pour décorer sa chambre OFFERT pour toute commande passée avant le 20 novembre.





Pour cela, c'est très simple:

  • commandez La fugue de Liann avant le 20 novembre sur le site de l'éditeur: www.edilivre.com/doc/662273
  • à réception de votre confirmation de commande, transférez le mail de confirmation d'Edilivre à l'adresse: liann.lefaune@gmail.com
Vous recevrez votre affiche dans les meilleurs délais à l'adresse indiquée sur votre bon de commande.


Retrouvez tous les détails sur le site:

http://roman-pour-enfants.wix.com/liann-le-faune#!/c1r22



jeudi 15 octobre 2015

La double vie de M. Pinceau, de Maud Thomas

Jolie découverte cette semaine que cette "double vie de M. Pinceau"! J'avais donc envie de vous la faire partager.


Voici un livre difficile à classer ! « Nouvelles », nous annonce la première de couverture. Et ce sont bien trois nouvelles que nous propose Maud Thomas. Mais il y a là à la fois une originalité et une unité indiscutables : le héros des trois nouvelles est bien le même personnage, et ce personnage est…un pinceau ! De sa fabrication dans un lointain pays au niveau de vie modeste jusqu’à son arrivée dans un supermarché, de ses débuts aux côtés d’un artiste de renom jusqu’à son existence au service du talent et de la créativité d’une enfant, de son insatisfaction chronique jusqu’à sa prise de conscience tardive… Monsieur Pinceau, avec ses doutes, ses chagrins, ses espoirs, c’est un peu chacun de nous.
C’est l’ambitieux, à l’éducation parfaite, qui pense que son bonheur ne viendra que par la réussite sociale et la renommée… jusqu’à ce qu’il s’aperçoive que l’authenticité de l’être est bien préférable à l’ennui du paraître.
C’est le maussade, le craintif qui a peur de l’autre, de l’étranger, de celui qui dérangera ses habitudes et lui volera son travail…jusqu’à ce qu’il comprenne que l’union fait souvent la force et que les différences entre individus font la richesse d’une équipe.

C’est l’éternel insatisfait, celui à qui toujours manque le dernier maillon vers la félicité, celui qui toujours attend le dernier détail pour connaître enfin la joie parfaite…jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il ne sert à rien de courir après le bonheur, et que la vie se doit d’être vécue au présent.
Monsieur Pinceau nous donne une leçon de vie. Une leçon qui semble s’adresser aux plus jeunes, puisqu’elle met en scène des objets qui se parlent, une enfant de 8 ans, un chat facétieux, et qu’elle s’agrémente des jolies illustrations de Méline… Mais au fond c’est une parabole qui s’adresse à tous. Le style de Maud Thomas est plaisant, d’une belle qualité d’écriture. L’auteur joue avec les mots, nous fait partager son goût pour l’art et la créativité, parsème la vie de M. Pinceau de touches d’humour, et on s’attache à ce personnage au fil des pages. Si la première nouvelle le dépeint dans sa rigidité, les deux autres avancent lentement mais sûrement dans un portrait plus nuancé : M. Pinceau évolue, et c’est ce qui fait son charme!

mardi 6 octobre 2015

Communiqué de presse

Aujourd'hui en ligne, le communiqué de presse sur notre petit héros Liann.
A découvrir ici:  Communiqué de presse: Liann, un jeune héros pas comme les autres

En espérant qu'il vous donnera envie de lire le livre!
A relayer, à diffuser et à partager.

A bientôt!

vendredi 2 octobre 2015

Pourquoi les animaux de la forêt donnent-ils l'alerte?

Aujourd'hui, je décide de revenir à un livre que je vous avais présenté il y a 5 mois (voir l'article: "Les mésanges du mandala"). Il s'agit de Un an dans la vie d'une forêt de David G. Haskell. Et tout naturellement, en ce début d'automne qui marque la reprise de ce blog, je choisis la page que l'auteur a écrite un 5 octobre. Neuf mois déjà depuis qu'il a pris la décision d'observer durant toute une année un tout petit morceau de forêt qu'il nomme mandala, situé sur une pente boisée dans le sud-est du Tenessee. Il y revient aussi souvent que possible au fil des mois et des saisons, s'assoit en silence, ne dérange rien, observe. Persuadé que l'on peut "Dans un grain de sable voir un monde". Convaincu que "l'écosystème forestier tout entier est visible sur une parcelle de la taille d'un mandala."
Ce jour-là, alors que l'auteur est assis immobile sur un rocher de son mandala, un cri retentit derrière lui: c'est un cerf qui, l'ayant aperçu, donne l'alerte. L'animal lance son signal puis s'enfuit.
Aussitôt, ce cri d'alarme, poussé par un cerf effarouché par sa rencontre avec un humain, va alerter tout un réseau à des centaines de mètres.
En effet, explique l'auteur, les animaux de la forêt sont tous reliés par le son. Ils échangent des signaux que nous ne percevons pas facilement.
La présence d'un homme dans la forêt ne passe pas inaperçue. Les animaux s'en méfient, à juste titre: les hommes sont souvent bruyants, agités, rapides, et parfois armés, que ce soit de fusils, de pièges ou de scies! Bref, nous sommes une espèce redoutée.
Aussi, lorsqu'un animal, comme ce cerf justement, donne l'alerte, tous les autres y prêtent attention, il y va de leur intérêt.
Par contre quel est l'intérêt de celui qui signale le danger? Pourquoi donc les animaux donnent-ils l'alerte?
La première réponse, la plus logique, est qu'ils veulent protéger leur famille. Mais, l'explication ne suffit pas car, nous dit l'auteur, "de nombreux animaux poussent des cris d'alarme même en l'absence de leur famille." Alors pourquoi?
L'hypothèse de Haskell est la suivante: en attirant l'attention sur lui, l'animal montre au prédateur qu'il l'a vu, qu'il sait, et qu'il ne sera pas facile à attraper! Le chevreuil, par exemple, accompagne sa fuite de bonds et de galipettes, ce qui semble pour le moins étrange et risque de ralentir sa course. L'explication de l'auteur est tout à fait plausible: le chevreuil cherche à prouver au prédateur qu'il est agile et en bonne santé, et que ce dernier ferait mieux d'aller chercher sa proie ailleurs!
Plus étrange encore, Haskell nous explique que même les plantes ont un système d'alerte: les plantes qui commencent à être grignotées par des insectes libèrent des substances chimiques défensives: d'une part elles sont dissuasives  pour les insectes, et d'autre part elles pénètrent dans les cellules des plantes voisines qui deviennent ainsi moins agréables au goût de ces mêmes insectes!
Bonne promenade en forêt pour ceux qui ont la chance d'en avoir une proche de chez eux: profitez des couleurs de l'automne, soyez à l'écoute et ne dérangez rien...A bientôt.

dimanche 27 septembre 2015

Commandez "La fugue de Liann" chez votre libraire!



Comme prévu, je vous informe que "La fugue de Liann" est désormais disponible sur commande en librairie.

Si vous voulez éviter les frais de port, privilégiez votre libraire de proximité, en lui donnant la référence du livre:
La fugue de Liann, de Suzanne Max et Alain Benoist, éditions EDILIVRE
pour infos: www.edilivre.com/doc/662273

Mais vous pouvez aussi le trouver sur internet: site Edilivre, Amazon, Fnac.


Dépêchez-vous de commander "La fugue de Liann" et de le lire! Pour les lecteurs les plus rapides, une surprise vous attend prochainement. Soyez prêts!!!

jeudi 13 août 2015

Parution de "La fugue de Liann" chez Edilivre

A l'occasion de la parution de notre roman illustré, "La fugue de Liann", je vous invite à découvrir la bande-annonce, une courte vidéo qui vous présente le livre et que vous trouverez ici:    https://youtu.be/5X0mitLxuno

J'espère qu'elle vous donnera envie d'entrer dans le monde de notre petit héros. Vous pourrez vous procurer le livre pour le moment chez Edilivre, avec le lien ci-dessous:
http://www.edilivre.com/la-fugue-de-liann-suzanne-max-et-alain-benoist.html


Je vous informerai quand le livre sera également disponible chez les autres libraires, le temps que se fasse le référencement, ce qui demande quelques semaines.
D'autre part,  je vous invite à visiter le site de Liann, qui propose des infos et des jeux autour de son univers. A découvrir grâce aux onglets ci-dessus (page Facebook et Site de Liann) ou directement par le lien:
http://roman-pour-enfants.wix.com/liann-le-faune

N'oubliez pas: si vous appréciez, faîtes-le savoir autour de vous et partagez! Vous êtes les ambassadeurs de Liann! Merci. 


mercredi 1 juillet 2015

Projet "Livres Nomades" lancé à Eauze (Gers)

Durant tout ce mois de juin où j'ai délaissé un peu mon blog, j'étais occupée à mettre en place un projet qui me tenait à cœur. Et aujourd'hui, le voilà lancé!
J'ai donc mis des livres à disposition du public, gratuitement, dans la petite ville d'Eauze où je suis également investie en tant que bénévole au sein de l'association ECLA.
Le public est invité à choisir et emporter un livre, le lire, le conserver, le rapporter ou l'échanger, au même endroit ou dans un autre point du réseau. Pour le moment, nous en sommes au tout début, avec deux adresses participant au projet: la laverie du boulevard Saint-Blancat et le salon de coiffure "New Style". Trois ou quatre autres lieux viendront compléter ce réseau.
Dans chaque point accueil, les personnes intéressées trouveront une caisse ou un panier, comprenant chaque fois une quinzaine d'ouvrages. Une  affichette explique le fonctionnement, par ailleurs tout simple!
Dans un premier temps j'ai alimenté le projet avec des livres que je possédais ou qui m'ont été donnés par mes proches. Plus tard, je continuerai grâce aux dons des personnes qui souhaitent s'associer au projet.
J'ai également pris contact avec la mairie d'Eauze:  Monsieur Faget, délégué aux affaires culturelles, me recevra à la fin du mois de juillet afin que nous décidions de la suite à donner au projet.
Enfin, un petit site internet explique tout ceci en détails. N'hésitez pas à y laisser votre avis. Une étiquette collée sur chaque livre rappelle le nom du projet et l'adresse du site. J'espère avoir des retours, ce qui m'encouragera bien sûr à poursuivre!

Illustration: Justine F. (tous droits réservés)

mercredi 3 juin 2015

Ces livres qui font grandir les enfants

J'ai eu beaucoup de plaisir à lire cet ouvrage de Joëlle Turin. A travers 6 thèmes qui touchent à l'enfance, elle visite plus d'une centaine d'albums, que je connaissais pour la plupart et que j'ai aimé lire à mes enfants ou à mes élèves de maternelle. Les domaines qu'elle explore sont le jeu ( quel plaisir de retrouver Un train passe et Où est Spot mon petit chien?, avec les jeux de cache-cache, de disparition et d'apparition); les relations avec les autres et les sentiments (l'amitié avec Petit Bleu et Petit jaune, ou la complicité avec Ernest et Célestine); les joies, les peines, les grandes colères (avec par exemple Max et les maximonstres); l'imagination bien sûr (avec Un goûter en forêt); les grandes questions comme celles de la naissance ou de la mort... sans oublier le thème de la peur, dont il a déjà été question ici. 
L'auteur nous le dit: "La peur, c'est la grande affaire de l'enfance."
Elle s'attarde d'abord sur la peur de l'abandon, et illustre son propos en citant le très bel album Bébés chouettes. L'auteur montre comment ce livre offre à l'enfant "une mise à distance poétique des moments de tension liés à la séparation." En effet, les 3 bébés chouettes, qui une nuit constatent en se réveillant que leur mère n'est plus là, vont devoir faire face au manque sans céder à la panique, et combler le vide de l'absence: "imaginer, inventer, penser et raisonner peut aider à affronter une solitude provisoire sans la subir comme un état d'abandon." Et chaque jeune lecteur à son tour construira peu à peu les défenses suffisantes pour surmonter l'angoisse de la séparation. 
Joëlle Turin nous parle aussi d'autres peurs, comme celle du noir (Il y a un cauchemar dans mon placard), et bien entendu celle du loup!
Les résultats du sondage sur votre loup préféré donne une écrasante majorité au loup n°4: beauté, mystère et réhabilitation (50%) et au loup n°3: nuances et complexité du personnage (33%). Le grand oublié dans vos votes c'est le loup un peu ridicule, dont on rit, celui de Plouf! Cela tient sans doute au fait que nous sommes des adultes. Car le jeune enfant, lui, adore rire d'un loup qui devient victime, c'est une sorte de revanche. Joëlle Turin cite d'ailleurs, non seulement Plouf! (et son effet de gag lorsque le loup ne cesse de monter et descendre dans le puits, toujours en sens inverse des animaux qu'il voudrait dévorer), mais aussi Mademoiselle Sauve-qui-peut du même Philippe Corentin . Cet album met en scène une petite chipie qui fait fuir tous ceux qui la croisent, y compris le loup! C'est bien là l'éloge de l'enfant malin, qui prend sa revanche sur les adultes et sur les loups ou croquemitaines chargés de punir "les enfants pas sages". Joëlle Turin conclut: "Le désir d'une autonomie qui échappe à l'adulte tout-puissant et qui le rend plus fort pour affronter ses propres peurs s'affirme ainsi chez l'enfant."
Référence: "Ces livres qui font grandir les enfants" de Joëlle Turin, Collection Passeurs d'histoires. Didier Jeunesse.

Petite pause en perspective: nous nous retrouverons au début de l'été, avec j'espère des nouvelles de la publication de "La fugue de Liann". A bientôt!

mercredi 20 mai 2015

Votez pour votre loup préféré!


En déjà 2 mois de publication d'un  blog sur la forêt et la littérature de jeunesse, pas un seul article sur le loup! Pourquoi donc?
Tout simplement parce que la figure du loup est si diverse et a été tant de fois traitée que je me demandais vraiment comment l'aborder.

Et si vous donniez votre avis?

VOTEZ POUR VOTRE CANDIDAT PRÉFÉRÉ, CELUI QUI REPRÉSENTE LE MIEUX L'IMAGE QUI SE RATTACHE AU LOUP POUR VOUS!
 Prenez connaissance des candidats, et ensuite votez dans le sondage en pied de page.  Vous avez 15 jours pour voter...
Candidat numéro 1: Le loup, c'est forcément moi, celui du Petit Chaperon rouge, celui de Perrault! 
Vous aimez les contes, vous me choisirez forcément! Je suis un personnage  féroce dont il vaut mieux se méfier. Mais je suis l'image du loup depuis le Moyen Âge. Les autres, à côté, sont des amateurs.

Pour les bestiaires du Moyen Âge, je suis un animal diabolique, féroce et cruel, qui aime la chair humaine. Mon hurlement et mes yeux qui brillent dans la nuit sont terrifiants.  La plus ancienne version du Petit Chaperon Rouge date des environs de l'an mille, et  n'a cessé d'être reprise depuis.
Je suis également rusé: je précède la fillette et je me déguise ensuite en grand-mère. Le déguisement est d'ailleurs un trait récurrent mentionné dans les bestiaires: je me revêts parfois d'une peau de mouton pour entrer dans la bergerie. Et je suis  d'ailleurs capable de "montrer patte blanche" dans Le loup et les 7 biquets.

Je suis le champion toute catégories. D'ailleurs vous aimez bien avoir peur, non? Et vous êtes attaché(e) aux contes de votre enfance. Alors n'hésitez pas! Votez pour moi!


Candidat numéro 2: Un peu d'humour, je suis le loup de Plouf! de Philippe Corentin, 
Ne me dîtes pas que vous avez peur du loup! D'ailleurs, vous préférez les histoires qui finissent bien, et surtout vous préférez les personnages qui vous font rire! Par exemple un personnage un peu stupide, souvent crédule ou naïf, et qui va se retrouver dans les pires situations pour assouvir sa "faim de loup"!

Je suis un peu comme Ysengrin, dans le roman de Renart: une victime facile du goupil, rusé et diabolique. Dans "le piège du puits", Renart parvient à sortir du puits en trompant Ysengrin.  Dans Plouf! on reprend l'idée du puits, mais avec des variantes. Bien sûr, j'ai tellement faim que je prends pas mal de risques!
D'ailleurs, des loups maladroits ou crédules, on en retrouve beaucoup dans les histoires ou dans les fables .
Ces péripéties amusantes vous réjouissent, non? Alors votez pour moi!

Candidat numéro 3: Un peu de nuance tout de même! Je suis Lucas, le Loup sentimental, de Geoffroy de Pennart

Vous aimez les personnages complexes, parfois tendres et amicaux, parfois tiraillés par leurs instincts. Ce qu'il vous faut, c'est un loup presque humain, avec ses qualités et ses défauts... mais qui descend tout de même d'une grande lignée de prédateurs cruels.

D'accord, je suis un loup, et un loup, c'est un loup: il mange forcément des animaux et pas des plantes! C'est le message de Marlaguette, de Marie Colmont (album du père Castor) . Mais cela ne signifie pas qu'il est méchant ou cruel. Comme moi, il y a des loups gentils et sensibles, par exemple le jeune Loulou de Grégoire Solotaref. Bon, d'accord tout ne finit pas toujours très bien, car l'instinct peut reprendre le dessus. Je pense au loup des Contes du Chat perché de Marcel Aymé. Mais, c'est tout ce qui fait la complexité du personnage!
Vous aimez bien un peu de complexité et d'émotion dans les histoires, non? Alors votez pour moi sans hésitation!

Candidat numéro 4: Mystère et beauté d'un animal sauvage, je suis Loup Noir, d'Antoine Guilloppé

L'image du loup dans les histoires, franchement ça ne lui fait pas honneur. Voyez plutôt mes concurrents:  ou bien il est féroce et cruel, ou bien il est ridicule, ou encore il marche sur 2 pattes et lit le journal! Oubliez ça.


Moi, je suis dans la neige, dans la forêt... j'incarne un animal sauvage et libre. Ce qui importe autour de moi, c'est l'ambiance, la beauté, le mystère. Un peu de peur, ça ne vous déplaît pas, je suis un fauve après tout! Mais ne vous fiez pas aux apparences...
Vous aimez la nature et la faune sauvage, vous trouvez dommage que le loup ait été diabolisé longtemps, ridiculisé parfois. C'est injuste pour un si bel animal. Réhabilitez-le! Votez pour moi!


Maintenant, votre choix est fait?
 Rendez-vous tout en bas de page pour le sondage et votez pour votre candidat préféré!
On se retrouve dans 2 semaines... Le temps de faire voter aussi famille et amis!

mercredi 13 mai 2015

Connaissez-vous les animaux fabuleux du Moyen Âge?

D'après Bestiaires du Moyen Âge, Michel Pastoureau.Les illustrations sont extraites de l'ouvrage. 
Souvenez-vous: au Moyen Âge les animaux sont dotés de propriétés qui les classent dans la catégorie divine ou diabolique. Ils sont représentés dans les bestiaires afin de permettre l'éducation religieuse des hommes.
Nous avons vu le cas d’animaux courants: cerf, renard, corbeau. Il en est de même pour les animaux lointains et exotiques (éléphant, crocodile, tigre, singe) mais aussi pour les animaux imaginaires qui, à cette époque étaient considérés comme réels. Ainsi, l'éléphant et la panthère étaient  vertueux et le singe diabolique,  mais aucun animal n'était autant craint que le dragon, tout aussi réel qu'eux, et véritable incarnation du diable.
Les animaux vertueux étaient donc forcément les ennemis du dragon.
Le dragon est le plus terrible des serpents. Il peut avoir 2 ou 4 pattes, et souvent des ailes, parfois des cornes. Ainsi, il rampe, marche ou vole. Sur l'illustration de droite, le combat de l'éléphant et du dragon figure la lutte du bien contre le mal. (vers 1195-1200). Sur l'image en-haut à gauche, est représenté un arbre merveilleux dont l'ombre protège les colombes du dragon, car cette ombre est mortelle pour lui. (L'arbre peridixion, vers 1255- 1265)

Nous l'avons vu, même les animaux réels possédaient des propriétés que nous jugeons assez curieuses aujourd'hui: le cerf vit 1000 ans, la belette conçoit par la bouche et enfante par l'oreille, le lynx est un immense ver de couleur blanche, l'hirondelle mange, boit et dort en volant! Mais comme le dit très justement Michel Pastoureau: "Le passé ne peut pas se comprendre - et encore moins se juger- par rapport aux sensibilités, aux valeurs et aux certitudes du temps présent." Il faut donc s'intéresser aux croyances et ne pas les juger à l'aulne de nos connaissances actuelles: "C'est pourquoi, ajoute l'auteur,  on ne peut pas opposer l'imaginaire et la réalité. L'imaginaire est une réalité. Il existe."
La panthère des bestiaires, par exemple,  est un animal fabuleux et s'apparente au Christ. Elle a un pelage merveilleux fait de 7 couleurs et une odeur si suave qu'elle attire tous les animaux, sauf le dragon, son ennemi, qui bien sûr représente le diable.(illustration ci-contre vers 1260-1270)
Je pense que vous connaissez plutôt bien la sirène ou le centaure, la licorne ou le dragon. Mais, essayez donc de deviner le nom des 3 animaux fabuleux qui suivent. Réponses sur la page suivante,  en cliquant à la fin de l'article sur le lien "suite & réponses"
Numéro 1 ci-dessous:
Il a un avant-corps d'aigle et l'arrière d'un lion. Il est très fort, voire invincible. Il est souvent le gardien de trésors.Qui est-il?


Numéro 2, ci-contre 
Un coq devenu vieux pond parfois des œufs: si l'un de ces œufs est couvé par une bête venimeuse comme un crapaud, un aspic ou un dragon, il en sort un animal effroyable, représenté ici. Il a la tête et les ailes du coq et le corps du serpent. Il peut tuer d'un seul regard.
Quel est son nom?


Numéro 3, ci-dessus 
Il a un corps de tigre (en Inde) ou un corps de lion (en Ethiopie), et une tête d'homme avec 3 rangées de dents. Il se nourrit de sang, c'est une créature du diable. C'est le moins connu des trois. Vous connaissez son nom?

Maintenant, cliquez ci-dessous sur Suite & réponses pour avoir les réponses! A bientôt!


mercredi 6 mai 2015

Animaux de Dieu, animaux du diable: le bestiaire du Moyen Âge

Les hommes du Moyen Âge savent observer la faune. Mais, nous explique Michel Pastoureau dans son ouvrage Bestiaires du Moyen Âge (Seuil), ce n'est pas l'observation réaliste qui les intéresse mais plutôt une sorte de vérité métaphysique et religieuse qu'ils recherchent. Si Dieu a fait l'homme à son image et pas les animaux, on peut penser d'abord que ce sont des êtres inférieurs. Toutefois, ils sont aussi des créatures de Dieu et il faut chercher chez eux un enseignement, une signification, parfois un modèle pour les hommes. 
C'est justement la fonction des bestiaires. On désigne sous ce nom, en particulier aux XII° et XIII° siècles, des recueils qui décrivent les propriétés (réelles ou imaginaires) des animaux, pour en tirer des enseignements moraux et religieux. Leur aspect, leurs mœurs et leur comportement, mais aussi des légendes ou croyances les concernant, conduisent à leur attacher une symbolique forte: le lion, qui passe pour dormir les yeux ouverts est un symbole de vigilance et s'apparente au Christ qui veille sur les hommes. Par contre, le porc qui fouille le sol sans lever les yeux vers le ciel symbolise l'homme pêcheur qui préfère les biens matériels terrestres à l'espoir de la vie après la mort. 
La pensée médiévale établit donc un lien entre ce qui est apparent (aspect) et ce qui est caché (signification): L'hirondelle préfère les bienfaits du ciel au confort terrestre; la preuve, c'est qu'elle est censée se nourrir, boire et dormir en volant, on la trouve ainsi représentée en train de boire la pluie qui tombe du ciel, sans se poser sur le sol. Les grues qui accomplissent de grands voyages et sont capables de monter haut dans le ciel, sont également vertueuses et considérées comme intelligentes, solidaires et vigilantes.  (Ci-dessus: Grues, vers 1195, 1200. L'attribut qui permet de reconnaître la grue est le caillou qu'elle a dans la patte: Quand, au cours de leurs grands voyages, elles se posent pour dormir, une seule d'entre elles veille, et pour ne pas succomber au sommeil, elle tient un caillou dans sa patte. Si elle 'endort, le caillou tombe et la réveille. La grue est ainsi symbole de vigilance, elle est comparée au pasteur qui veille sur ses ouailles avec sa foi intense.)
Avant le XIIème siècle, les animaux n'étaient pas représentés pour eux-mêmes. Ils faisaient partie d'une scène, d'un décor, étaient accessoires. Mais avec les bestiaires, ils viennent désormais sur le devant de la scène. L'influence de ces ouvrages destinés à célébrer le Créateur et à enseigner les vérités de la foi s'étend dans de nombreux domaines: littérature, sculpture, armoiries, proverbes. Ils font partie de l'histoire culturelle, plus que de l'histoire naturelle. 
Parmi les animaux christiques, on trouve le cerf. Il est en effet le symbole de la résurrection car ses bois repoussent chaque année et sont une arme contre les forces du mal. Même son  nom latin,  cervus,  s'apparente à l'un des qualificatifs associés à Jésus, servus. Le cerf était peu apprécié des Romains, et l'Eglise s'est efforcée de le transformer en créature christologique. Il est symbole de longévité (il pourrait vivre 1000 ans!), de rapidité et de résurrection. (Ci-dessus: Cerfs. vers 1180-1190) 
De plus il est l'ennemi du serpent, qui, on le sait, est une créature de Satan. Le cerf force le serpent à sortir de son trou en le remplissant d'eau. Une fois le serpent sorti, le cerf le tue et le mange. Mais le serpent est tellement venimeux, même mort, que le cerf doit ensuite chercher une fontaine ou une source pour s'y abreuver. Référence à un verset biblique (psaume 41) où "l'âme de l'homme juste cherche le Seigneur de la même façon que le cerf assoiffé cherche l'eau de la source." Le cerf est donc un animal vertueux, pur, image du bon chrétien et même substitut du Christ. Il est tout l'inverse du sanglier, "bête immonde, malfaisante, incarnation des ennemis du Christ. Il est laid, noir, "hérissé", il sent mauvais, il fait du bruit, il vit dans les ténèbres: c'est en tout point une créature démoniaque."  

La pensée médiévale fonctionne par analogies et oppositions. Tout comme le cerf, la belette est ennemie du serpent et se trouve donc parée de toutes les vertus. La blanche colombe, symbole de pureté, de douceur et de fidélité, est un oiseau divin qui s'oppose au corbeau noir dont il faut se méfier. Le noir est en effet un attribut démoniaque, et un chat noir est une véritable incarnation de Satan!
Le symbole du mal est d'ailleurs associé à tous les animaux nocturnes. Voir la nuit est le propre des créatures de l'enfer: chat, loup, renard, chouette, chauve-souris ont été largement victimes de cette assertion. Car la nuit, selon le commandement de Dieu, tout bon chrétien doit dormir. Ceux qui ne dorment pas se livrent à des activités malfaisantes, des pratiques magiques ou des cérémonies hérétiques (comme les Cathares, associés au Chat). 

Parmi ces animaux démoniaques, le renard, que l'on dit rusé, est avant tout le symbole du mensonge et de la trahison. Sa couleur en est d'ailleurs la preuve: il est roux, comme Judas. De plus, par une association d'idées qui nous semble aujourd'hui assez étrange, on rapproche le nom latin du renard (VULPUS) d'une expression latine signifiant QUI VIREVOLTE AVEC SES PIEDS.  Cela voudrait dire que le renard  ne marche pas droit, c'est un fourbe de corps et d'esprit. Comme lui, les hommes pécheurs "avancent dans la vie par des chemins détournés, ne regardent pas en face les vérités de la foi, tournent le dos aux appels du Seigneur." Les hypocrites qui se rendent à l'Eglise mais "y rentrent de biais" comme le renard sont de grands pécheurs. Perfide, le renard est donc une représentation du diable, et ses ruses ne servent qu'à attirer les hommes sur le mauvais chemin. 
(Ci-dessus: Renard, vers 1240)
Certaines significations sont cependant moins tranchées: si le renard, la chouette, la chauve-souris et le serpent sont nettement animaux du diable, si le lion, le cerf, la belette et la colombe sont quant à eux vertueux, il en est d'autres plus ambivalents, qui présentent à la fois certaines qualités et certains défauts. Ainsi l'âne est valeureux et ne se plaint jamais dans le travail, mais il est têtu et stupide; Le cygne blanc est un symbole de vertu, mais cette blancheur immaculée ne dissimule-t-elle pas des vices cachés?

Certains animaux, célébrés par toutes les mythologies païennes, ont été choisis par l'Eglise pour devenir des symboles impies. Nous l'avions vu avec le serpent. C'est aussi le cas du corbeau. Loué dans l'Antiquité comme un oiseau doué d'intelligence et de mémoire, oiseau sacré des Celtes, des Germains ou des Slaves, il entre avec le Christianisme dans le bestiaire du Diable: "image de l'homme pécheur, noirci par la boue de ses fautes ou incarnation du démon et de toutes les forces du mal." Voleur, glouton, il ne respecte ni le Carême ni le jeûne du vendredi. Il est hypocrite et met son intelligence au service du mal. 
Par la suite, la symbolique du corbeau va continuer à se dévaloriser: dans les fables ou les proverbes il est oiseau de mauvais augure, que l'on veut exterminer. Pourtant, on sait aujourd'hui que le corbeau est non seulement le plus intelligent des oiseaux, mais aussi probablement le plus intelligent de tous les animaux, à l'égal des grands singes, et bien devant le porc ou le dauphin. "Le contraste est immense entre le statut scientifique de cet oiseau, vedette de tous les savoirs, et les traditions populaires qui ne voient en lui qu'un méchant oiseau noir et néfaste qu'il faut fuir et massacrer."(Ci-dessus: Corbeau, vers 1240-1250)
Une fois de plus, on voit que l'image véhiculée par l'Eglise il y a environ 800 ans a la vie dure. Le corbeau, comme le serpent, la chouette ou la chauve-souris,  a encore besoin de réhabilitation! 

Outre les nombreux animaux présents dans les bestiaires du Moyen Âge, j'aurai l'occasion de vous parler des créatures fabuleuses comme la licorne ou le basilic, qui à l'époque étaient tout aussi réels que le cerf ou le serpent.
A bientôt!

D'après: Bestiaires du Moyen Âge, de Michel Pastoureau. Ed. Seuil. Les images ci-dessus sont extraites de l'ouvrage.

mercredi 29 avril 2015

Les mésanges du mandala

Biologiste américain, David G. Haskell observe durant toute une année, dans le Tennessee, une petite parcelle de forêt d'un mètre de diamètre qu'il baptise mandala. Le livre qu'il écrit à partir des relevés de ses observations minutieuses est à la fois une mine de renseignements sur le vivant et un plaidoyer écologique qui fait forcément réfléchir sur l'interdépendance des êtres vivants et sur notre place d'humain sur la Terre.
Un an dans la vie d'une forêt, de David G. Haskell, éd. Flammarion

Je m'attarderai sur l'un des premiers chapitres du livre: le 21 janvier, par une température de -20° et un vent glacial, l'auteur nous parle de l'extraordinaire adaptation des mésanges de Caroline au froid hivernal.

Pour lutter contre le froid, les mésanges du mandala ont d'abord leur plumage isolant. Outre la couche supérieure de plumes, elles possèdent un duvet au-dessous, dont chaque plume est constitué de milliers de fines fibres. L'ensemble de ce duvet léger retient 10 fois plus de chaleur que la même épaisseur de polystyrène. L'hiver, les mésanges ont 50% de plumes en plus, et elles peuvent en doubler l'épaisseur en les faisant bouffer. L'auteur précise que, pour une même espèce, les individus des régions nordiques, plus froides, sont généralement plus grands que ceux du sud, ceci étant dû au fait que la quantité de chaleur qu'un animal peut produire augmente avec son volume. 
D'autre part, les puissants muscles de leur poitrine, qui représente le quart de leur poids total, leur permettent de frissonner, ce qui constitue leur principale source de chaleur. Les frissons, en effet, provoquent un gros afflux de sang chaud... mais d'un autre côté c'est une grosse dépense d'énergie et il faut trouver suffisamment de nourriture pour satisfaire les besoins que cela occasionne. C'est évidemment un problème sur le sol gelé de la forêt où l'on ne voit ni insecte, ni araignée, ni bien sûr aucune graine de tournesol, ce qui serait une véritable aubaine car une graine fournirait à elle seule au moins 2 des 16 kcalories nécessaires à la mésange par jour!

Trouver de la nourriture est donc la principale occupation de la journée. La mésange est très agile et inspecte minutieusement chaque branche. De plus, les oiseaux ont une acuité visuelle très développée. Les mésanges peuvent ainsi distinguer de minuscules fentes que nous ne voyons qu'à la loupe et les fouiller pour y trouver des insectes. Leurs yeux, équipés de 4 types de récepteurs chromatiques (au lieu de 3 chez l'homme et de 2 chez de nombreux mammifères) leur permettent de percevoir un très large éventail de couleurs. La vision ultraviolette et la précision des couleurs les aident à démasquer le camouflage des insectes. 
Lorsqu'elles trouvent une quantité suffisante d' aliments, le brusque apport se transforme en matières grasses pour tenir durant les périodes difficiles. Les mésanges peuvent ainsi puiser dans leurs réserves lorsqu'elles ne trouvent rien à manger. Il leur arrive aussi de cacher des provisions et de les défendre en chassant les importuns qui voudraient s'en saisir.
A la tombée de la nuit, elles se blottissent à plusieurs et tombent dans un état d'hypothermie qui diminue leurs besoins énergétiques pendant la nuit.
L'auteur nous explique que cette belle adaptation au froid ne suffit cependant pas à éviter la mortalité hivernale. Les provisions de nourriture de janvier ne sont pas suffisante pour faire vivre toute la population de mésanges de Caroline. Lorsque l'été reviendra et que la nourriture disponible sera alors en excès, ce sont les oiseaux migrateurs, de retour d'Amérique du sud, qui profiteront de cet apport saisonnier: "Le froid hivernal est donc à l'origine de la migration annuelle de milliers de tangaras, passereaux et viréons."
Je consacrerai un deuxième article à "Un an dans la vie d'une forêt, mais, je ne peux que vous conseiller la lecture de l'ouvrage complet!
Bonne semaine...printanière!



mercredi 22 avril 2015

L'ambivalence du serpent

Ci-dessous, couleuvre à collier
Photographie de Matthieu Berroneau
http://www.flickr.com/mp7


Il y a quelques semaines, notre sondage confirmait que le serpent est un animal qui inspire souvent de la crainte. 

Si la morsure de certains serpents du monde est certes très dangereuse, on remarque qu'une inoffensive couleuvre en France est encore souvent persécutée sans raison. Ce comportement irrationnel existe chez certaines personnes qui n'ont même jamais vu de serpents dans la nature!

Parlons un peu de la couleuvre à collier:
On voit bien sur cette photo, autour du cou de la couleuvre,  l'espèce de collier noir  qui lui donne son nom.  La femelle est plus grande que le mâle; elle mesure environ un mètre, et exceptionnellement elle peut même atteindre jusqu'à deux mètres! Mais elle n'est pas dangereuse: si elle est attaquée, elle n'est pas agressive et fuit rapidement. Elle vit au bord des mares et des étangs car elle aime se nourrir de poissons, de têtards ou de grenouilles. Elle nage très bien, et peut aussi rester longtemps sous l'eau. Si elle se sent menacée elle se défend tout simplement en faisant le mort ou en dégageant une très mauvaise odeur. Comme vous le voyez, il n'y a pas de quoi paniquer!

Les serpents ont de tout temps été un objet de crainte, de fascination mais aussi de vénération dans de nombreuses civilisations du monde. 
Présents sur des peintures rupestres datant de 20 ou 30 000 ans, ils font également partie de cérémonies très anciennes chez de nombreux peuples. Ces rituels sont souvent liés à la fécondité et à la fertilité. Pour les aborigènes d'Australie, l'abondance de serpents est à la fois gage de nourriture suffisante et de fertilité puisque leur retour chaque année à la saison des pluies est lié à la présence bénéfique de l'eau dans les terres arides. 
Le serpent est également souvent considéré comme un génie du sol associé à la terre. Les Indiens d'Amérique, au cours de cérémonies et de danses, lâchaient ensuite des serpents dans des cavités du sol afin qu'ils aillent transmettre leurs prières aux dieux. Messagers auprès des dieux, les serpents étaient donc porteurs d'espoir. Ils étaient aussi censés, en Afrique ou en Asie, maîtriser certains phénomènes naturels, notamment la pluie.  
Dans l'Egypte ancienne, Mehen, divinité en forme de serpent, avait surtout un rôle protecteur envers Rê et les rois. C'était aussi le symbole du renouveau . En effet le serpent mue chaque année, il renaît en quelque sorte, il est donc le symbole du cycle naturel du monde.  
D'une manière générale, les serpents comme les autres les forces dangereuses étaient vénérées car il s'agissait de s'attirer leurs bonnes grâces. On retrouve cette même vénération dans les civilisations précolombiennes, ou, comme dans l'exemple suivant, en Mésopotamie: dans le vase ci-contre est représenté l'affrontement du léopard et du serpent. Le léopard est le régulateur des forces de la nature qui, elles, sont symbolisées par le serpent. (vase tronconique. Iran. Troisième millénaire avant JC). En Inde, les serpents pouvant également se présenter comme bons ou mauvais, on procédait parfois à des sacrifices humains pour s'attirer leurs grâces.
Symbole de si nombreux cultes païens, le serpent est vite devenu pour les chrétiens le bouc émissaire idéal. 
La religion chrétienne en a fait l’emblème du mal, le démon tentateur du jardin d'Eden. Chassé, détesté et persécuté, le serpent a donc été victime de ce symbolisme religieux. Au Moyen-Âge, son alter ego, le dragon, a connu la même dépréciation. Nombre de saints ont exterminé des dragons, ainsi St Georges ou St Michel pour ne citer que les plus connus
.
Qu'il s'agisse du dragon, du serpent ou d'autres animaux appartenant aux divinités païennes, on est surtout en présence d'une conception très différente de la création du monde. Pour les peuples qui les vénéraient , ces animaux n'étaient que des formes passagères prises par des divinités souvent polymorphes qui continuaient à intervenir régulièrement dans le destin du monde et des hommes. D'où la nécessité de s'attirer leurs faveurs, de les honorer régulièrement pour la pluie, les récoltes ou la fertilité. Selon la Genèse par contre, le monde résulte directement de la création divine. "Il a été créé une fois pour toutes. Il n'est pas l'oeuvre de divinités occultes qui continuent de le hanter et de le recréer." (Philippe Walter)


 De nos jours, on prend peu à peu conscience de l'importance de toutes les espèces dans un écosystème. Les serpents, en se nourrissant d'insectes et de rongeurs, sont notamment très importants pour garder l' équilibre de ces populations. En France ils sont désormais protégés. Toutefois, la couleuvre à collier, citée plus haut, est quasi menacée et la vipère d'Orsini -petite vipère se nourrissant de grillons et sauterelles et vivant dans le Sud-Est de la France- est en danger critique d'extinction.

Sources:
Tous les serpents du monde, de Chris Mattison
"Génération dragon", par Philippe Walter, in Fées, elfes, dragons, exposition de l'abbaye de Daoulas
Sites des musées du Louvre, du quai Branly et du musée Guimet

Bonne semaine, et à bientôt!

mercredi 15 avril 2015

Le peuple des faunes

Liann, notre petit héros est un enfant faune.

Comment son peuple s'est-il installé dans cette forêt, à l'abri du regard des humains?

Mais au fait, qu'est-ce qu'un faune?

Ci-contre: Liann, illustration d'Alain Benoist


A l'origine, dans la mythologie romaine, il y avait bien un dieu champêtre nommé Faunus, petit-fils de Saturne. Pierre Dubois, dans sa "Grande encyclopédie des Lutins et autres petites créatures", mentionne qu'il aimait prendre l'apparence d'un pivert. On le représentait, un peu comme le dieu Pan en Grèce, avec des cornes et des sabots.
Ses descendants seront nombreux et ne vont cesser de se ramifier en toutes sortes de races, plus ou moins cornues, dont les Faunes.
Autrefois donc, Faunes et Sylvains peuplaient les forêts d'Italie. Mais comme nous le disions dans un article précédent, les choses ne pouvaient guère durer ainsi: comme toutes les autres créatures surnaturelles, les Faunes ne purent résister aux transformations de la civilisation humaine. Pierre Dubois nous parle de ceux qui restèrent en Italie, devenant des lutins vifs et facétieux, les Folleti.
Mais les autres?
Peut-être ont-ils rejoint la branche des multiples descendants de Pan? (Peter Pan lui-même en serait l'un des rejetons!)
Pan, donc, était un dieu grec, demi-frère de Zeus. Proche du bouc, avec ses poils, ses cornes et ses sabots, Pan aimait la nature, la terre et l'eau. Il était également amoureux de Syrinx, qui donna son nom à la flûte de Pan, et à l'organe du chant chez les oiseaux.
Pas plus que Faunus, Pan ne put résister aux accusations de l'Eglise qui allait voir en lui un diable cornu. Il avait tout intérêt à disparaître et ses nombreux descendants, également pourchassés, durent se disperser et apprendre à se dissimuler. Certains sans doute s'enfoncèrent sous terre, d'autres devinrent peut-être microscopiques, d'autres encore émigrèrent dans des pays lointains , dans des forêts nordiques bien éloignées de la Grèce!
Ceux qui nous intéressent ici se réfugièrent dans les bois et furent accueillis par des Sylvains ou des Fées qui les avaient précédés. En se mêlant à eux, ils donnèrent naissance à un peuple à l'apparence mi-humaine mi-animale, qui sut développer suffisamment de dons pour échapper à l'hostilité des humains.
Sans doute les faunes du peuple de Liann sont-ils de ceux-là: leur vie secrète à l'abri du regard des hommes, leur communion avec la nature, leur proximité avec les animaux et leurs pouvoirs surnaturels peuvent en tout cas le laisser penser!

mercredi 8 avril 2015

Sur les traces des Etres Fabuleux

"La forêt est le berceau des Êtres Fabuleux: immensité intime où règnent à la fois l'ombre et la lumière, où les quatre éléments se confondent. " Pierre Dubois.


Dans le sondage qui vient de se terminer 73% d'entre vous éprouvent en forêt le plaisir d'observer et d'écouter. Cela s'accompagne d'une sensation de paix pour 52%. Même si vous ressentez parfois  une certaine inquiétude diffuse (26%) , la peur de vous perdre (36%) ou de faire de mauvaises rencontres (36%) j'en conclus que vous êtes tout à fait prêts à me suivre sur le chemin des créatures enchantées.
Les êtres des Royaumes inconnus  sont multiples. Fées, Lutins, Gnomes, Petit peuple des mousses, Gobelins, Farfadets, Sylvains, Faunes, Trolls, Elfes... Beaucoup sont bienveillants, rassurez-vous, même si votre légère inquiétude et votre crainte des rencontres peuvent s'expliquer par la présence de certaines espèces hostiles à l'homme. On les trouve dans les Contes, et plus encore en suivant un sentier qui s'enfonce en forêt, à l'ombre d'un grand chêne, dans les sources ou les marais, au ras des mousses et des champignons. Mais attention, comme le dit Pierre Dubois "Tout s'évanouit au moindre oubli, au plus innocent battement de paupière: le peigne d'or redevient coquillage, le cadeau feuille sèche, la montagne se referme et le sentier s'efface."
C'est pourquoi nous n'avancerons que prudemment dans le monde des Lutins ou autres créatures fabuleuses. Avant d'accomplir cette promenade enchantée,  je vous propose aujourd'hui en introduction un rapide tour d'horizon historique.

Au début du Moyen-Âge, malgré les références encore fortes au monde antique - grec ou romain- prend naissance en Europe une littérature irréelle et fascinante, directement inspirée des Celtes. Les écrivains recueillent en effet des récits jusque là transmis oralement par les bardes et créent ainsi un monde féérique qui va se propager partout en Europe et se mêler souvent à une mythologie existante.
C'est pourquoi ces êtres enchantés présentent  de nombreuses variantes, selon leur origine celte, romane, germanique ou norroise, et on dénombre ainsi des centaines de créatures différentes. On peut cependant les diviser en trois catégories principales: les Fées, les Géants et les Nains.
Dans la mythologie norroise (Norvège) le géant Ymir est né de la rencontre et de l'explosion des mondes de la glace et du feu. Plus tard, après son assassinat par son descendant Odin, le corps d'Ymir sert à former notre planète: ses os deviennent des rochers, sa chair la terre, son sang les ruisseaux et les fleuves, ses cheveux les forêts ou les landes...  Lorsque du cadavre d'Ymir devenu monde commencent à grouiller des vers et des asticots, Odin décide de s'en faire des alliés et les dote de pouvoirs magiques, donnant ainsi naissance aux  Nains. Les 4 plus forts d'entre eux soutiendront la voûte céleste. Les autres peupleront la planète bien avant l'apparition de l'homme. Dans la mythologie germanique par contre, les Géants, brutaux et violents,  sont créés après les Nains pour les défendre contre les animaux monstrueux.
On retrouve les Nains dans la mythologie norroise mais aussi en Italie (gardiens des trésors), en Allemagne (mineurs et forgerons ou lutins protecteurs des maisons),  en France (gnomes garants des secrets de la terre et dotés de pouvoirs de divination), en Normandie, en Angleterre et en Écosse (Gobelins descendants des Alfs noirs et Alfs blancs, étranges mélanges d'influences ténébreuses ou lumineuses)...
Au cours du Moyen Âge, en Europe, le Christianisme prend de l'ampleur, et "le recours aux fées et aux êtres de l'Autre Monde serait la réaction aux contraintes et aux interdits de l’Église" (Claudine Glot). Alors que les dieux païens sont interdits par l’Église, les petites divinités, comme les dieux des forêts, sont si proches des préoccupations du peuple (foyer, récoltes, animaux, maison) qu'ils vont longtemps résister dans les campagnes. Pierre Dubois note que les Lutins sont vers 1212 décrits comme "des démons ou des êtres d'une nature secrète et inconnue qui s'entendent avec les gens simples des campagnes, assistent à leurs veillées, les aident dans les tâches domestiques."
Au fil du temps, l'image de toutes ces créatures souffrira forcément de la croisade chrétienne. Ainsi, les Elfes, bons et bienveillants au départ, sont considérés avant l'an mille comme maléfiques. Le dragon également: d'abord principe créateur il possède des pouvoirs magiques et celui qui, comme Sigurd, goûte son sang comprend alors le langage des animaux. Pourtant il devient dans l'Occident médiéval un monstre à éliminer et l’Église place dans ce combat "un triomphe allégorique du christianisme sur le paganisme". (Claude Lecouteux).
Diabolisées au cours des siècles, ces créatures sont bien obligées de se cacher, quitte à devenir minuscules ou invisibles. Les cultes deviennent secrets, les noms évoluent. A la fin du XVIème siècle, et plus précisément à partir de Shakespeare, on assiste d'ailleurs à une miniaturisation du monde féérique.
Comment les créatures fabuleuses ont-elles résisté, comment sont-elles entrées dans la littérature et arrivées  jusqu'à nous? Pourquoi un tel retour en force de nos jours de tous les êtres des royaumes féériques? C'est une autre histoire et nous aurons l'occasion d'y revenir.
Prochainement je m'attarderai aussi sur la généalogie de notre petit héros, Liann l'enfant faune.
A bientôt!
                                                                                                           


Illustrations: 1. John Bauer (1913)
                     2.  Gustave Doré (gravure de 1887)
Sources: 
1. Fées, elfes, dragons et autres créatures des royaumes de féérie, catalogue de l'exposition présentée à l'abbaye de Daoulas (décembre 2002-mars 2003) , dirigé par Claudine Glot et Michel Le Bris
2. La grande encyclopédie des Lutins et autres petites créatures, de Pierre Dubois

mercredi 1 avril 2015

Ces animaux mal aimés des hommes: les araignées

Notre petit sondage de la semaine dernière court encore, mais on constate d'ores et déjà que les araignées et les insectes  sont le duo gagnant de nos peurs, suivis de près par les serpents! Puis viennent les souris ou rats, les chauve-souris et les vers de terre.(relevé du mercredi 1er avril).
Dans son introduction à la philosophie, André Guigot propose de cette peur une étrange explication: "les êtres vivants ont tous pris la bonne habitude d'avoir de la peau, de la chair et des os en-dessous...Eh bien les insectes [et les araignées] non! Et c'est précisément ce qui nous effraie!" Autrement dit, nous aurions la sensation, en les voyant dépourvus de peau,  d'être face à des squelettes animés, en quelque sorte des morts- vivants, comme dans les pires films d'horreur.
Je ne suis pas très sûre que ce soit là l'explication. Je pense pour ma part que les araignées nous renvoient aux endroits où l'on se sent vulnérables, comme les caves obscures et les lieux abandonnés, ou encore aux dangers cachés. Mais surtout elles symbolisent la capacité de nous prendre au piège dans leurs toiles et de disposer d'armes redoutables. 
Invisibles sous les pierres pour certaines, dans des fourrés impénétrables ou enfouies dans le sol pour d'autres, elles nous apparaissent comme le symbole même du prédateur. L'araignée est en effet capable de se déplacer avec aisance et de réagir promptement  grâce à ses 8 pattes très articulées, pourvues de poils sensoriels longs et fins qui oscillent à chaque mouvement d'air et excitent les cellules nerveuses de l’animal.
La nature l'a également pourvue de plusieurs yeux simples, des ocelles, au nombre de 7 à 8 pour les araignées d'Europe, et de pattes-mâchoires qui servent d'organes tactiles et portent des lames maxillaires. Et pour clôturer le tout elles possèdent selon les familles des glandes à venin, parfois associées aux glandes séricigènes: dans ce dernier cas, les araignées, grâce à un mouvement rapide sont capables de projeter, tel un lasso, un fil de soie engluée sur leurs proies. L'insecte visé est alors immobilisé, "scotché sur place" et peut ensuite être envenimé et dévoré.
Tout cela, me direz-vous a de quoi distiller une légitime terreur. Oui, bien sûr, si vous avez vous-même la taille d'un insecte!


Ci-contre 2 images extraites du film L'homme qui rétrécit.(1957) Son réalisateur, Jack Arnold, explique: "Je voulais créer un climat qui vous laisserait imaginer ce que ce serait si vous deveniez minuscule, que les choses banales et courantes de la vie quotidienne deviennent bizarres et menaçantes...Une araignée devient la chose la plus terrifiante que vous ayez jamais vue."
Dans cette scène particulièrement marquante, le héros, devenu minuscule, doit affronter une araignée.  Mais vous avouerez qu'il s'agit là d'un cas extrême!!!
Là encore, notre imagination prend le dessus sur la réalité en nous mettant dans la peau d'un être sans défense face à un prédateur d'une terrible efficacité. Et si nous tentions de voir les araignées autrement?
"Apprendre à voir la nature, nous dit encore André Guigot, c'est apprendre à mieux se connaître: c'est là que se joue toujours l'essentiel de notre sort". Un sort qui est lui-même "entièrement lié à ce foisonnement perpétuel et vivant qui peuple notre environnement." Ce qu'il veut dire par là, c'est que tous les êtres vivants de la planète sont en interconnexion. L'homme devrait cesser de voir la nature comme un simple objet de maîtrise et de possession, et lui accorder une valeur autonome indépendante de son usage. Un peu de modestie, donc, et place à l'observation!
Chez les araignées, la diversité des mœurs et la morphologie des espèces, l'esthétique de certaines d'entre elles, la perfection de leurs toiles, sont autant d'éléments qui fascinent et forcent l'admiration.
Certaines araignées diurnes chassent à l'affût et repèrent leurs proies grâce à leur vue très développée. D'autres, nocturnes, ont un exceptionnel sens du toucher et attaquent les proies dès qu'elles frôlent une de leurs pattes. Mais la plupart des araignées tissent des toiles et chassent ainsi "au filet".
"Quiconque a déjà pris le temps d'observer une épeire construire sa toile, d'admirer une araignée sauteuse s'approchant de sa proie ou de contempler une araignée-loup transportant sa progéniture sur son dos risque de succomber à la fascination que suscite ce groupe d'animaux." (Heiko Bellmann) A nous de surmonter notre appréhension pour accéder à cet univers.
En Europe peu ou pas d'espèces d'araignées présentent un danger pour l'homme: la peur suscitée par la tarentule est totalement injustifiée, sa morsure correspond tout au plus à une piqûre de guêpe et ne présente aucun danger. Elle est essentiellement nocturne et passe sa journée dans un terrier de 30cm de profondeur qui s'enfonce verticalement dans le sol. Sa mauvaise réputation peut venir d'une confusion de nom (on appelle les mygales "tarentules" en Amérique) ou d'aspect (on la confond avec la Malmignatte dont le venin est toxique. Si vous souhaitez en savoir plus sur la Malmignatte, cliquez sur Suite & réponses au bas de cet article).
La plupart des espèces d'araignées sont hélas aujourd'hui menacées et certaines disparaissent rapidement. Les grands bouleversements qui altèrent les milieux naturels affectent les araignées comme le reste de la biodiversité! Les hommes ont partout creusé, planté, labouré; ils ont créé des zones de loisirs envahies d'engins motorisés, de 4x4 ou de quads; le piétinement excessif des promeneurs altère aussi les espaces et modifie la végétation originelle ; ailleurs, dans les régions agricoles, les anciens pâturages sont désormais plantés de vignes ou de pins, ou exploités d'une manière ou d'une autre ; enfin, les prairies si riches en espèces ont été converties , les mares comblées, les marais transformés en champs de maïs. Ainsi, des centaines d'espèces animales et végétales disparaissent partout en Europe:  faire régresser la destruction des écosystèmes à grande échelle apparaît comme l'unique voie de sauvegarde de la biodiversité.
J'aurai plaisir à vous parler bientôt des serpents, objets de crainte, de fascination et de vénération pour de nombreuses civilisations du monde. Mais auparavant, dès la semaine prochaine, nous ferons un petit tour au pays des créatures fabuleuses qui peuplent les forêts de notre imaginaire.
Enfin, pour ceux qui n'ont pas voté en bas de page, vous avez encore quelques jours, jusqu'à dimanche 5 avril! Merci, et à mercredi prochain.

Sources: Les renseignements sur les araignées sont dus à Heiko Bellmann, Guide des araignées chez Delachaux et Niestlé