mercredi 22 avril 2015

L'ambivalence du serpent

Ci-dessous, couleuvre à collier
Photographie de Matthieu Berroneau
http://www.flickr.com/mp7


Il y a quelques semaines, notre sondage confirmait que le serpent est un animal qui inspire souvent de la crainte. 

Si la morsure de certains serpents du monde est certes très dangereuse, on remarque qu'une inoffensive couleuvre en France est encore souvent persécutée sans raison. Ce comportement irrationnel existe chez certaines personnes qui n'ont même jamais vu de serpents dans la nature!

Parlons un peu de la couleuvre à collier:
On voit bien sur cette photo, autour du cou de la couleuvre,  l'espèce de collier noir  qui lui donne son nom.  La femelle est plus grande que le mâle; elle mesure environ un mètre, et exceptionnellement elle peut même atteindre jusqu'à deux mètres! Mais elle n'est pas dangereuse: si elle est attaquée, elle n'est pas agressive et fuit rapidement. Elle vit au bord des mares et des étangs car elle aime se nourrir de poissons, de têtards ou de grenouilles. Elle nage très bien, et peut aussi rester longtemps sous l'eau. Si elle se sent menacée elle se défend tout simplement en faisant le mort ou en dégageant une très mauvaise odeur. Comme vous le voyez, il n'y a pas de quoi paniquer!

Les serpents ont de tout temps été un objet de crainte, de fascination mais aussi de vénération dans de nombreuses civilisations du monde. 
Présents sur des peintures rupestres datant de 20 ou 30 000 ans, ils font également partie de cérémonies très anciennes chez de nombreux peuples. Ces rituels sont souvent liés à la fécondité et à la fertilité. Pour les aborigènes d'Australie, l'abondance de serpents est à la fois gage de nourriture suffisante et de fertilité puisque leur retour chaque année à la saison des pluies est lié à la présence bénéfique de l'eau dans les terres arides. 
Le serpent est également souvent considéré comme un génie du sol associé à la terre. Les Indiens d'Amérique, au cours de cérémonies et de danses, lâchaient ensuite des serpents dans des cavités du sol afin qu'ils aillent transmettre leurs prières aux dieux. Messagers auprès des dieux, les serpents étaient donc porteurs d'espoir. Ils étaient aussi censés, en Afrique ou en Asie, maîtriser certains phénomènes naturels, notamment la pluie.  
Dans l'Egypte ancienne, Mehen, divinité en forme de serpent, avait surtout un rôle protecteur envers Rê et les rois. C'était aussi le symbole du renouveau . En effet le serpent mue chaque année, il renaît en quelque sorte, il est donc le symbole du cycle naturel du monde.  
D'une manière générale, les serpents comme les autres les forces dangereuses étaient vénérées car il s'agissait de s'attirer leurs bonnes grâces. On retrouve cette même vénération dans les civilisations précolombiennes, ou, comme dans l'exemple suivant, en Mésopotamie: dans le vase ci-contre est représenté l'affrontement du léopard et du serpent. Le léopard est le régulateur des forces de la nature qui, elles, sont symbolisées par le serpent. (vase tronconique. Iran. Troisième millénaire avant JC). En Inde, les serpents pouvant également se présenter comme bons ou mauvais, on procédait parfois à des sacrifices humains pour s'attirer leurs grâces.
Symbole de si nombreux cultes païens, le serpent est vite devenu pour les chrétiens le bouc émissaire idéal. 
La religion chrétienne en a fait l’emblème du mal, le démon tentateur du jardin d'Eden. Chassé, détesté et persécuté, le serpent a donc été victime de ce symbolisme religieux. Au Moyen-Âge, son alter ego, le dragon, a connu la même dépréciation. Nombre de saints ont exterminé des dragons, ainsi St Georges ou St Michel pour ne citer que les plus connus
.
Qu'il s'agisse du dragon, du serpent ou d'autres animaux appartenant aux divinités païennes, on est surtout en présence d'une conception très différente de la création du monde. Pour les peuples qui les vénéraient , ces animaux n'étaient que des formes passagères prises par des divinités souvent polymorphes qui continuaient à intervenir régulièrement dans le destin du monde et des hommes. D'où la nécessité de s'attirer leurs faveurs, de les honorer régulièrement pour la pluie, les récoltes ou la fertilité. Selon la Genèse par contre, le monde résulte directement de la création divine. "Il a été créé une fois pour toutes. Il n'est pas l'oeuvre de divinités occultes qui continuent de le hanter et de le recréer." (Philippe Walter)


 De nos jours, on prend peu à peu conscience de l'importance de toutes les espèces dans un écosystème. Les serpents, en se nourrissant d'insectes et de rongeurs, sont notamment très importants pour garder l' équilibre de ces populations. En France ils sont désormais protégés. Toutefois, la couleuvre à collier, citée plus haut, est quasi menacée et la vipère d'Orsini -petite vipère se nourrissant de grillons et sauterelles et vivant dans le Sud-Est de la France- est en danger critique d'extinction.

Sources:
Tous les serpents du monde, de Chris Mattison
"Génération dragon", par Philippe Walter, in Fées, elfes, dragons, exposition de l'abbaye de Daoulas
Sites des musées du Louvre, du quai Branly et du musée Guimet

Bonne semaine, et à bientôt!

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