mercredi 8 avril 2015

Sur les traces des Etres Fabuleux

"La forêt est le berceau des Êtres Fabuleux: immensité intime où règnent à la fois l'ombre et la lumière, où les quatre éléments se confondent. " Pierre Dubois.


Dans le sondage qui vient de se terminer 73% d'entre vous éprouvent en forêt le plaisir d'observer et d'écouter. Cela s'accompagne d'une sensation de paix pour 52%. Même si vous ressentez parfois  une certaine inquiétude diffuse (26%) , la peur de vous perdre (36%) ou de faire de mauvaises rencontres (36%) j'en conclus que vous êtes tout à fait prêts à me suivre sur le chemin des créatures enchantées.
Les êtres des Royaumes inconnus  sont multiples. Fées, Lutins, Gnomes, Petit peuple des mousses, Gobelins, Farfadets, Sylvains, Faunes, Trolls, Elfes... Beaucoup sont bienveillants, rassurez-vous, même si votre légère inquiétude et votre crainte des rencontres peuvent s'expliquer par la présence de certaines espèces hostiles à l'homme. On les trouve dans les Contes, et plus encore en suivant un sentier qui s'enfonce en forêt, à l'ombre d'un grand chêne, dans les sources ou les marais, au ras des mousses et des champignons. Mais attention, comme le dit Pierre Dubois "Tout s'évanouit au moindre oubli, au plus innocent battement de paupière: le peigne d'or redevient coquillage, le cadeau feuille sèche, la montagne se referme et le sentier s'efface."
C'est pourquoi nous n'avancerons que prudemment dans le monde des Lutins ou autres créatures fabuleuses. Avant d'accomplir cette promenade enchantée,  je vous propose aujourd'hui en introduction un rapide tour d'horizon historique.

Au début du Moyen-Âge, malgré les références encore fortes au monde antique - grec ou romain- prend naissance en Europe une littérature irréelle et fascinante, directement inspirée des Celtes. Les écrivains recueillent en effet des récits jusque là transmis oralement par les bardes et créent ainsi un monde féérique qui va se propager partout en Europe et se mêler souvent à une mythologie existante.
C'est pourquoi ces êtres enchantés présentent  de nombreuses variantes, selon leur origine celte, romane, germanique ou norroise, et on dénombre ainsi des centaines de créatures différentes. On peut cependant les diviser en trois catégories principales: les Fées, les Géants et les Nains.
Dans la mythologie norroise (Norvège) le géant Ymir est né de la rencontre et de l'explosion des mondes de la glace et du feu. Plus tard, après son assassinat par son descendant Odin, le corps d'Ymir sert à former notre planète: ses os deviennent des rochers, sa chair la terre, son sang les ruisseaux et les fleuves, ses cheveux les forêts ou les landes...  Lorsque du cadavre d'Ymir devenu monde commencent à grouiller des vers et des asticots, Odin décide de s'en faire des alliés et les dote de pouvoirs magiques, donnant ainsi naissance aux  Nains. Les 4 plus forts d'entre eux soutiendront la voûte céleste. Les autres peupleront la planète bien avant l'apparition de l'homme. Dans la mythologie germanique par contre, les Géants, brutaux et violents,  sont créés après les Nains pour les défendre contre les animaux monstrueux.
On retrouve les Nains dans la mythologie norroise mais aussi en Italie (gardiens des trésors), en Allemagne (mineurs et forgerons ou lutins protecteurs des maisons),  en France (gnomes garants des secrets de la terre et dotés de pouvoirs de divination), en Normandie, en Angleterre et en Écosse (Gobelins descendants des Alfs noirs et Alfs blancs, étranges mélanges d'influences ténébreuses ou lumineuses)...
Au cours du Moyen Âge, en Europe, le Christianisme prend de l'ampleur, et "le recours aux fées et aux êtres de l'Autre Monde serait la réaction aux contraintes et aux interdits de l’Église" (Claudine Glot). Alors que les dieux païens sont interdits par l’Église, les petites divinités, comme les dieux des forêts, sont si proches des préoccupations du peuple (foyer, récoltes, animaux, maison) qu'ils vont longtemps résister dans les campagnes. Pierre Dubois note que les Lutins sont vers 1212 décrits comme "des démons ou des êtres d'une nature secrète et inconnue qui s'entendent avec les gens simples des campagnes, assistent à leurs veillées, les aident dans les tâches domestiques."
Au fil du temps, l'image de toutes ces créatures souffrira forcément de la croisade chrétienne. Ainsi, les Elfes, bons et bienveillants au départ, sont considérés avant l'an mille comme maléfiques. Le dragon également: d'abord principe créateur il possède des pouvoirs magiques et celui qui, comme Sigurd, goûte son sang comprend alors le langage des animaux. Pourtant il devient dans l'Occident médiéval un monstre à éliminer et l’Église place dans ce combat "un triomphe allégorique du christianisme sur le paganisme". (Claude Lecouteux).
Diabolisées au cours des siècles, ces créatures sont bien obligées de se cacher, quitte à devenir minuscules ou invisibles. Les cultes deviennent secrets, les noms évoluent. A la fin du XVIème siècle, et plus précisément à partir de Shakespeare, on assiste d'ailleurs à une miniaturisation du monde féérique.
Comment les créatures fabuleuses ont-elles résisté, comment sont-elles entrées dans la littérature et arrivées  jusqu'à nous? Pourquoi un tel retour en force de nos jours de tous les êtres des royaumes féériques? C'est une autre histoire et nous aurons l'occasion d'y revenir.
Prochainement je m'attarderai aussi sur la généalogie de notre petit héros, Liann l'enfant faune.
A bientôt!
                                                                                                           


Illustrations: 1. John Bauer (1913)
                     2.  Gustave Doré (gravure de 1887)
Sources: 
1. Fées, elfes, dragons et autres créatures des royaumes de féérie, catalogue de l'exposition présentée à l'abbaye de Daoulas (décembre 2002-mars 2003) , dirigé par Claudine Glot et Michel Le Bris
2. La grande encyclopédie des Lutins et autres petites créatures, de Pierre Dubois

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